Un tour du monde des bonnes pratiques pour un métro véritablement accessible à tous – Synthèse de l’étude de la DMA
Offrir à tous les voyageurs la même qualité et sécurité de parcours dans le métro est une préoccupation majeure de toutes les autorités organisatrices des transports à travers le monde. Voilà pourquoi, quand nous avons découvert la brillante étude de la DMA sur l’accessibilité du métro dans les principales agglomérations mondiales, il nous a paru indispensable de vous la faire partager !
Selon les estimations, 30 à 40% de la population rencontre des difficultés dans l’utilisation des transports en commun. C’est dire que l’accessibilité ne se limite pas aux personnes handicapées, encore moins aux seuls utilisateurs de fauteuil roulant comme le suggère le classement des réseaux de métro les plus accessibles réalisé par The Guardian en 2017. Depuis, la Direction Ministérielle à l’Accessibilité (DMA) a publié une étude* qui passe au crible l’accessibilité de 42 métros situés dans 25 pays. Le rapport aborde tout en nuances la notion de « métro accessible » et met en évidence les initiatives positives mises en place pour faciliter l’accès au métro à toutes les personnes gênées dans leurs déplacements. Nous en avons réalisé pour vous une synthèse, complétée d’exemples issus de notre expérience, car oui, l’accessibilité du métro, ça nous connait !
Des difficultés d’accès au métro pour 30 à 40% de la population
Prendre le métro est plus complexe qu’il n’y parait. Ceci implique une chaine d’actions pour lesquelles de nombreux voyageurs peuvent rencontrer des freins ou des obstacles :
- Préparer son itinéraire,
- Obtenir des informations en temps réel sur le fonctionnement des équipements d’accessibilité et d’éventuelles perturbations sur le réseau,
- Localiser l’accès à la station de métro,
- Descendre dans la station,
- Se procurer un titre de transport,
- Demander des renseignements ou communiquer avec le personnel,
- Passer les portiques de sécurité,
- Cheminer et s’orienter à l’intérieur de la station pour atteindre le bon quai,
- Patienter en sécurité jusqu’à l’arrivée de la rame,
- Embarquer à bord,
- Trouver une place assise ou un appui pour maintenir son équilibre tout au long du trajet,
- Descendre à la bonne station,
- Cheminer et s’orienter à l’intérieur de la station pour atteindre sa correspondance ou la sortie souhaitée,
- Passer les portiques de sortie et
- Remonter vers la voirie.
Au-delà des personnes qui vivent avec un handicap physique, sensoriel, mental ou psychique, nombreux sont les voyageurs qui rencontrent des difficultés pour une ou plusieurs étapes de la chaine du déplacement. Selon différentes études, ils représenteraient 30 à 40% des usagers des transports en commun. Ce sont les personnes âgées, les personnes ayant un handicap temporaire dû à une blessure ou une maladie, les femmes enceintes, les personnes obèses ou de petite taille, les personnes analphabètes ou ne maitrisant pas la langue française, les personnes accompagnées de jeunes enfants ou encore celles encombrées de paquets ou bagages.
Pour plus de détails sur les difficultés rencontrées par les usagers du métro en fonction de leur handicap et les solutions apportées par les gestionnaires ou exploitants des réseaux, nous vous invitons à lire notre article Comment aider les personnes handicapées à bien vivre le métro ?
Un métro accessible, c’est quoi ?
Le quotidien britannique The Guardian a publié en 2017 le classement de 7 grands réseaux de métro dans le Monde en fonction de leur niveau d’accessibilité. Paris a écopé de la dernière place derrière Washington DC, Los Angeles, Tokyo, New York, Barcelone et Londres. Un score bien sévère pour la capitale française, qui, malgré l’impossibilité de rendre la plupart de ses stations de métro accessibles aux usagers en fauteuil roulant, fait de son mieux pour prendre en compte les autres handicaps sur le réseau RATP.
C’est à partir de ce constat que la Direction Ministérielle à l’Accessibilité a lancé une étude sur l’accessibilité de 42 métros dans le Monde. Les données recueillies sont inégales et ne permettent pas d’établir un classement, ce qui serait d’ailleurs contreproductif. Mais cette étude interroge la notion de « métro accessible ».
1er enseignement : l’accessibilité physique pour les personnes en fauteuil roulant reste en tête des réalisations pour qu’un métro puisse se revendiquer « accessible ». Ceci comprend l’installation d’ascenseurs, de rampes d’accès, l’abaissement du plancher et le traitement des lacunes entre le quai et le véhicule. Ensuite viennent les annonces visuelles et sonores à l’intérieur des rames qui bénéficient à tous mais plus encore aux personnes ayant un handicap visuel ou auditif. Mais l’accessibilité globale à tous les handicaps implique une attention à chaque détail tout au long de la chaine du déplacement. Ainsi, un nouvel équipement mal pensé risque de ruiner tous les efforts réalisés en amont.
2ème enseignement : d’autres mesures existent mais elles sont loin d’être généralisées et peu valorisées sur les différents supports de communication des réseaux de métro. L’amélioration de la signalétique visuelle, l’installation de balises sonores, l’équipement en boucles à induction magnétique (BIM), l’adaptation des automates de vente et des portiques de sécurité, la formation du personnel et le développement d’applications de guidage adaptées aux différents handicaps ont tout autant d’importance pour une accessibilité réussie.
L’inaccessibilité n’est pas une fatalité
L’ancienneté des infrastructures est souvent invoquée pour justifier leur inaccessibilité. Certes, la première loi française sur l’accessibilité date de 1975, soit trois quarts de siècle après l’inauguration du métro parisien. Et il est vrai que celui-ci fait figure de mauvais élève avec seulement 9 stations accessibles en fauteuil roulant sur 303. Mais d’autres métros pourtant plus anciens s’en sortent bien mieux. C’est le cas de Londres (1863), Boston (1897) ou même Athènes (1869). D’autres métros inaugurés avant 1930 affichent également de belles performances en matière d’accessibilité : Berlin (1902), Madrid (1919), Barcelone (1924) et Tokyo (1927). Plus encore que son ancienneté, ce qui freine la mise en accessibilité du métro parisien aux personnes en fauteuil roulant ou ayant des difficultés de marche, c’est la conception du réseau, en particulier la longueur des circulations souterraines et la distance qui sépare les accès en surface des quais. Il s’agit du réseau le plus dense du monde et de nombreuses stations se situent directement sous les immeubles. La construction d’ascenseurs et de rampes d’accès pour rendre accessible l’ensemble du métro parisien aux personnes en fauteuil roulant représenterait selon les estimations un coût de 4 à 6 milliards d’euros. Voilà pourquoi la RATP a fait le choix de se concentrer sur l’accessibilité du réseau de surface : tramways et bus. La régie investit aussi beaucoup pour la prise en compte des autres handicaps, notamment avec le projet Equisens. Parmi les démarches qui visent à faciliter les déplacements et l’orientation des personnes âgées ou celles ayant un handicap visuel, auditif, mental, psychique ou cognitif, on peut citer :
- L’installation de bandes d’éveil de vigilance ou portes palières le long des quais,
- La sécurisation des escaliers : prolongation des mains courantes, installation de bandes d’éveil de vigilance, contremarches et nez de marches contrastés,
- L’installation de balises sonores pour le repérage des accès et des billetteries,
- L’adaptation des bornes d’appel avec balise sonore, boucle à induction magnétique et bande d’interception,
- Le développement des annonces sonores et de l’affichage visuel dans les rames et sur les quais,
- L’alerte lumineuse de fermeture des portes sur le nouveau matériel,
- La formation du personnel aux différentes situations de handicap.
Ainsi, même si le métro parisien risque de rester encore longtemps fermé aux usagers en fauteuil roulant, il offre de plus en plus d’accessibilité et de confort pour les autres voyageurs en situation de handicap.
Des initiatives originales pour intégrer tous les handicaps
A quelques exceptions près comme Marseille, Rome ou Pékin, les métros construits après 1970 sont globalement accessibles en fauteuil roulant. On y trouve dans la plupart des stations des ascenseurs, des rampes d’accès, des portes élargies et des espaces réservés pour les personnes à mobilité réduite. Là où des obstacles persistent, c’est au niveau de l’embarquement dans les rames. Une aide humaine peut s’avérer nécessaire.
D’autres initiatives voient le jour pour faciliter les déplacements, l’orientation et la communication pour les autres voyageurs ayant un handicap, qu’il soit visuel, auditif, mental, psychique ou cognitif. Loin d’être encore généralisées, elles sont néanmoins des sources d’inspiration très intéressantes pour les gestionnaires et exploitants des réseaux de métro.
Des supports adaptés pour la préparation d’itinéraire
Plus encore que pour la population générale, la préparation de son itinéraire est une étape cruciale pour les personnes handicapées. Repérer son trajet et les éventuelles difficultés qu’il présente, connaitre l’état de fonctionnement des équipements d’accessibilité, tout cela demande des outils adaptés. La première étape consiste bien sûr à rendre tous les supports numériques accessibles, sites web et applications mobiles.
Accessibilité numérique : Pourquoi ? Pour qui ? Comment ?
Mais les supports papier ne sont pas à négliger. Ainsi, le métro de Londres met à disposition des plans adaptés aux différentes situations de handicap : en gros caractères contrastés, en relief, indiquant les stations accessibles en fauteuil roulant et mettant en évidence les trajets aériens pour les claustrophobes.
A Paris et Toulouse, des supports pédagogiques ont été mis au point sous forme de jeux de cartes et autres dispositifs ludiques pour que les personnes ayant un handicap mental se familiarisent avec le réseau.
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Des balises sonores pour repérer les accès
Les balises sonores permettent aux personnes aveugles ou malvoyantes de localiser les accès des stations de métro grâce à la provenance du son. Elles se déclenchent à quelques mètres de distance à l’aide d’une télécommande ou d’une application smartphone. Les ascenseurs du métro de Rennes en sont équipés depuis sa mise en service en 2002. Aujourd’hui, on retrouve ce dispositif à Paris, Lyon, Prague, Helsinki et peut-être d’autres villes encore.
Des bandes podotactiles de guidage pour marquer les cheminements
Les bandes de guidage, ou bandes d’aide à l’orientation, permettent aux personnes déficientes visuelles et à toutes les personnes éprouvant des difficultés d’orientation, de se rendre d’un point à un autre sans dévier. On les retrouve dans de nombreux métros comme Bruxelles, Berlin, Madrid, Barcelone, Santiago du Chili ou Tokyo. Pour apporter un guidage efficace, celles-ci doivent de préférence être couplées à une signalétique sonore ou à une application de guidage sur smartphone.
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Des applications de guidage indoor pour les smartphones
Malgré l’absence du signal GPS à l’intérieur des stations de métro, les applications de guidage adaptées aux différents handicaps se répandent peu à peu. Elles permettent de calculer un itinéraire dans un espace fermé en s’adaptant aux différentes contraintes de mobilité de l’utilisateur. Les technologies sont encore peu matures, ce qui occasionne quelques tâtonnements. Ainsi, la solution Right Hear a finalement été abandonnée par le métro de Rennes après une année d’expérimentation. En revanche, la solution Evelity équipe déjà le métro de Marseille et sera prochainement inaugurée.
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Des automates de vente adaptés à tous les handicaps
Abaisser les billetteries automatiques pour qu’elles puissent être utilisées par les personnes en fauteuil roulant ou de petite taille est devenu la règle sur de nombreux réseaux. Cependant, ces machines restent souvent inaccessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes, aux personnes analphabètes ou ne maîtrisant pas la langue du pays, ou encore à celles ayant une déficience intellectuelle. Ainsi, les interfaces doivent être conçues en envisageant toutes ces restrictions. La vocalisation est une option à retenir, comme à Paris ou Barcelone.
Une signalétique en images
Afin d’aider les personnes analphabètes ou ayant une déficience intellectuelle à se repérer, certains exploitants ont conçu une signalétique qui associe une image distincte à chaque nom de station. Nous vous avions déjà exposé la démarche de Tisséo à Toulouse dans notre article :
Avant de développer leur propre signalétique, ils ont pu s’inspirer des travaux réalisés sur les réseaux de Mexico, Fukuoka au Japon et Recife au Brésil.
Des informations en braille
Les normes internationales concernant les ascenseurs imposent le marquage des boutons en braille et en relief, ce qui est très utile aux personnes déficientes visuelles pour sélectionner leur étage. Les informations en braille parfois disponibles sur les quais, comme à Washington, Chicago ou Santiago du Chili auraient en revanche tout intérêt à être remplacées par une information sonore, beaucoup plus universelle. En effet, le braille présente trois inconvénients majeurs :
- Il est difficilement localisable pour une personne qui ne voit pas ou mal,
- Il pose des problèmes d’hygiène, car le toucher risque de propager bactéries ou virus comme la Covid-19,
- La proportion de personnes en capacité de le lire reste très faible.
4 recommandations pour adapter votre signalétique en braille
Des plans tactiles
On trouve des plans tactiles à l’intention des personnes déficientes visuelles sur certains réseaux de métro comme Paris, Bruxelles, New York et Tokyo. Pour les mêmes raisons que les informations en braille, ceux-ci sont peu appropriés. En revanche, des plans tactiles sur papier peuvent être mis à disposition des usagers afin qu’ils les consultent dans le confort de leur domicile ou du local d’une association. Ceux-ci leur permettront de mieux appréhender l’espace et donc de s’y repérer plus facilement.
Un personnel formé pour porter assistance
Malgré les aménagements réalisés pour l’accessibilité, certaines situations continuent de requérir une assistance humaine, par exemple en cas de panne d’un équipement ou d’une perturbation du réseau. Cette assistance est largement présente à Londres, Paris, Bruxelles ou Saint-Pétersbourg. Et pour pouvoir apporter une assistance efficace, les personnels concernés sont spécifiquement formés à l’accompagnement de personnes handicapées.
L’étude de la DMA sur l’ACCESSIBILITE DU METRO DANS LES PRINCIPALES AGGLOMERATIONS MONDIALES nous montre que l’accessibilité a globalement beaucoup progressé pour les personnes en fauteuil roulant mais peine encore à se généraliser pour les autres handicaps. Par ailleurs, l’accès à l’information sur les équipements disponibles et les calculateurs d’itinéraires adaptés manque cruellement. D’où l’intérêt de surfer sur l’open data pour développer des solutions digitales répondant aux besoins spécifiques de chacun !
Publié le 6 janvier 2021