Tout comprendre sur la géolocalisation | Interview de Valérie Renaudin, Directrice de recherche du laboratoire Géoloc de l’Université Gustave Eiffel

Tout comprendre sur la géolocalisation | Interview de Valérie Renaudin, Directrice de recherche du laboratoire Géoloc de l’Université Gustave Eiffel

Dans un article précédent, nous vous avions déjà parlé de l’intelligence artificielle et de ce que cette technologie apporte au handicap. A présent, focus sur la géolocalisation, un terme que l’on entend de plus en plus dans les médias. En effet, nous l’utilisons tous les jours, sans même nous en rendre compte, avec des GPS qui sont véritablement entrés dans notre quotidien et sont devenus incontournables. Mais comment ça marche concrètement ? En quoi la géolocalisation peut impacter la mobilité de chacun et notamment des personnes en situation de handicap ?

Pour décrypter tout ce qui se cache derrière la notion de “géolocalisation”, nous avons rencontré Valérie Renaudin, Directrice de recherche du laboratoire Géoloc à l’Université Gustave Eiffel à Nantes. Elle lève le voile sur son fonctionnement et partage sa vision, ses missions en tant que chercheuse et experte dans ce domaine.

En quelques mots, qui êtes-vous ? 

Je suis Valérie Renaudin, actuellement Directrice du laboratoire Géoloc, basé à Nantes au sein de l’Université Gustave Eiffel. J’ai un parcours mixte, à la fois industriel et académique, qui s’est déroulé sur plusieurs continents pendant quinze ans, passé à la fois dans des pays helvètes autant germaniques que francophones, et le Canada anglophone du côté de Calgary.

Valérie Renaudin et Frédéric Le Bourhis du laboratoire Géoloc
Valérie Renaudin et son collègue Frédéric Le Bourhis effectuent des recherches sur la géolocalisation dans le métro à Lyon

Pouvez-vous nous expliquer la mission du laboratoire Géoloc de l’Université Gustave Eiffel ? 

Le laboratoire Géoloc s’intéresse à la géolocalisation pour améliorer la mobilité des personnes et des biens. Depuis plusieurs années, nous produisons de nouvelles manières de calculer la trace d’objets qui bougent, on appelle cela du positionnement dynamique, afin d’accompagner l’essor des nouvelles pratiques de mobilité et les nouveaux services basés sur la géolocalisation des porteurs.

Traditionnellement, nous nous intéressions aux éléments du transport type voiture, du train, et même d’éléments plus importants encore destinés au transport aérien ou maritime. Avec l’essor des objets connectés, nous nous sommes intéressés à « monsieur Tout-le-monde » dans le cadre de ses déplacements afin d’améliorer sa mobilité au quotidien. 

Un randonneur utilise Google Maps pour se repérer

Quels sont les défis auxquels vous vous attaquez concernant la géolocalisation ? Pourquoi ?

Le défi principal auquel on s’attaque aujourd’hui est de fournir une solution de géolocalisation précise et continue à un voyageur sur toute la chaîne multimodale, quelle que soit sa spécificité de déplacement, qu’il soit bien portant ou souffrant d’une déficience à la mobilité. On s’intéresse à ce défi-là (et c’en est un !), tout d’abord parce que les objets qui sont utilisés pour faire de la géolocalisation aujourd’hui n’ont pas été conçus pour cela. Le grand public attend des objets connectés une capacité à faire de la géolocalisation en tout lieu et ce, contrairement à des navigateurs qui avaient été développés pour les voitures. 

Aujourd’hui, on attend d’un objet connecté, qui comporte des capteurs de très mauvaise qualité, qu’il soit suffisamment intelligent pour comprendre qui je suis dans mes déplacements afin de me fournir la meilleure trace possible et finalement, le meilleur guidage. 

Pourquoi nous nous intéressons à ces défis ? 

C’est simplement parce que c’est presque devenu un dû. On considère aujourd’hui que c’est quelque chose de disponible partout. On entend beaucoup parler d’objets connectés, de la puissance des smartphones ou encore de l’IA. Pour le grand public, les médias laissent entendre que la géolocalisation est une panacée, alors que dans la pratique, la précision obtenue est bien moins grande que celle qu’on imagine. La conséquence, c’est que beaucoup de services en pâtissent. On parlera ici des services d’urgence dans le cas d’interventions ou encore l’accompagnement à la mobilité des personnes en situation de handicap. 

Quel lien faites-vous entre technologie et mobilité ? Quels seront les gains concrets pour les citoyens ? 

Les technologies sont aujourd’hui un facilitateur de mobilité. On voit à quel point l’utilisation de technologies bouleverse nos façons de nous déplacer. A titre personnel, ayant habité sur plusieurs continents et travaillé notamment au Canada, je vois à quel point les outils sont devenus indispensables. Je ne saurai certainement plus me passer d’une solution de géolocalisation dans le cadre de mes transports : un outil unique qui fait tout et qui améliore ma mobilité. Impatiente aussi derrière mon volant, détestant les bouchons, je suis très contente de pouvoir utiliser des applications telles que Waze qui vont utiliser la géolocalisation et la combiner à de l’interprétation pour être capable finalement de m’offrir les meilleurs chemins. 

Logo de l'application Waze

Aujourd’hui, grâce à ces objets connectés, on est capable de s’adresser à tout un chacun dans sa spécificité. C’est l’avantage des smartphones, mais aussi de leurs combinaisons avec des méthodes dites d’intelligence artificielle. Globalement, ce que peut nous promettre l’intelligence artificielle demain c’est peut-être d’être capable de comprendre qui nous sommes dans la mobilité et de fournir des solutions qui sont adaptées à notre différence. Autrement dit, une personne souffrant d’une déficience ou d’un handicap peut espérer demain que celui-ci devienne une richesse descriptive de son déplacement. 

Je me rends compte à quel point on est capable aujourd’hui d’intégrer les différences, qu’elles soient personnelles ou culturelles, au travers des solutions que nous pouvons développer. 

Comment imaginez-vous la mobilité de demain ? 

La mobilité de demain, je l’imagine comme quelque chose de pluriel. C’est-à-dire qu’au lieu de bénéficier d’une solution universelle telle que celle que j’ai pu développer par le passé et à laquelle finalement chacun doit s’ajuster pour qu’elle soit performante dans son quotidien, on peut imaginer que les solutions sauront s’adresser à moi : Valérie Renaudin ou vous, monsieur X, madame Y dans l’ensemble des déplacements.

J’imagine cette mobilité suffisamment fluide pour qu’elle me permette d’accroître mon autonomie, peut-être d’augmenter mes capacités au fur et à mesure de mon vieillissement et finalement d’explorer un environnement, qu’il soit connu ou inconnu, de façon différente.

La mobilité inclusive, notamment pour les personnes en situation de handicap, semble être une utopie ou au contraire une réalité à court terme. 

Je pense qu’il s’agit d’une réalité à moyen terme et soyons fous, peut-être à court terme. La mobilité inclusive, en fait, c’est cette capacité à adresser des solutions ou à inventer des solutions pour tous, quelle que soit la capacité de déplacement des personnes. Encore une fois, les solutions couramment déployées dans les téléphones portables aujourd’hui ne prennent pas en compte les spécificités du déplacement ou encore les handicaps au déplacement. Néanmoins, l’avancée sur les capteurs, l’avancée sur les technologies de calcul, la compréhension de qui nous sommes nous permettent simplement d’imaginer que demain nous serons capables de fournir des solutions plus adaptées et donc d’améliorer la notion de mobilité inclusive. 

Un usager non-voyant utilise Evelity
Un usager déficient visuel se sert de l’application Evelity pour se repérer dans le métro

La capacité aussi à fournir des solutions qui ne dépendent pas d’infrastructure. Leur déploiement permettrait aussi d’envisager de couvrir des territoires plus vastes et d’ouvrir la mobilité à des personnes qui n’iraient pas vers ces solutions s’il s’agissait de payer des abonnements très chers ou de souscrire à la dernière technologie. 

Le mot de la fin ? 

Un des freins importants aujourd’hui à l’adoption des technologies qui permettent d’améliorer la mobilité via une géolocalisation précise, c’est finalement de devoir adopter des objets tels que des smartphones, des smartwatches (des montres intelligentes), des lunettes intelligentes pour lesquelles l’offre est assez limitée et donc l’ajout d’un objet technologique supplémentaire pour accompagner nos déplacements. C’est à la fois intéressant, mais en même temps, c’est source de beaucoup de problèmes. Ce sont des problèmes en termes de calcul, mais aussi des problèmes en termes d’adoption et de choix. J’ai peut-être envie d’avoir un téléphone de telle couleur ou si je dois acheter des lunettes, seront-elles lourdes avec des caméras ? 

Même si cela fait longtemps qu’on en parle et que je ne l’ai pas encore vu déployée, est-ce que finalement, on ne va pas arriver à un moment à ce que la technologie arrive à intégrer complètement les fibres des tissus qui nous habillent aujourd’hui ? Cette intégration dans les tissus se limite principalement à des problématiques d’antennes voire de batteries. Mais si on arrivait quelque part à cacher dans nos vêtements l’ensemble de cette technologie, on pourrait bénéficier d’un accompagnement individuel personnalisé, mains libres qui serait notre compagnon, notre compagnon de déplacement au quotidien et peut-être même notre compagnon d’amélioration de notre vie.

Publié le 12 avril 2021

 

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Christine

De nature plutôt dynamique et toujours à l’affût d'échanges, je me charge aujourd’hui principalement de toutes les interviews. J’adore rencontrer ces acteurs inspirants qui font bouger les lignes et qui ouvrent le champ des possibles.