GIAA apiDV : un combat pour l’intégration scolaire et professionnelle des personnes déficientes visuelles
Les associations représentant les personnes handicapées jouent un rôle essentiel dans la défense de leurs droits et la construction d’un monde plus accessible. Nous avons décidé de leur donner la parole sur notre webzine. Pour poursuivre notre série d’entretiens, nous accueillons Pierre Marragou, Président de l’association apiDV, anciennement GIAA. Avec 7 implantations réparties sur toute la France, l’association a pour mission d’« accompagner, promouvoir et intégrer les déficients visuels ». Accès à la scolarité, à l’emploi, aux technologies…, découvrons ensemble ses actions !
Bonjour Pierre Marragou. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de l’association apiDV ?
Je m’appelle Pierre Marragou, j’ai 34 ans et je travaille dans la fonction publique territoriale. Je suis Président de l’association apiDV : accompagner, promouvoir et intégrer les déficients visuels. Notre association s’appelait auparavant GIAA et reste encore très connue sous ce nom. Nous continuons donc d’accoler les deux noms le temps que le changement entre dans les esprits.
L’association apiDV œuvre pour la réussite sociale et professionnelle des personnes aveugles et malvoyantes. Elle est reconnue d’utilité publique. Nous accompagnons 3 500 bénéficiaires dans leur accès à la scolarité, aux études supérieures, à l’emploi, mais aussi à la culture et aux loisirs. Nous sommes présents sur le territoire national au travers de nos 7 délégations et nous offrons aussi de nombreux services à distance. Pour assurer ces missions, apiDV compte 21 salariés, dont la moitié à notre siège parisien, et près de 500 bénévoles.
ApiDV est avant tout une association d’entraide et d’échange avec de nombreux groupes de travail. Mais nous menons aussi des actions de plaidoyer pour l’accès aux études, à l’emploi et à la culture. Nous avons organisé en 2020 un forum sur le numérique et les pratiques innovantes au service des personnes déficientes visuelles. Ce forum rassemblait des acteurs du numérique, des organismes de formation et des professionnels de l’accessibilité. Nous avons également lancé notre podcast « Je gueule pas, je Braille ! », où nous traitons différentes thématiques : numérique, emploi, culture, rencontres avec des personnes déficientes visuelles. Notre premier numéro était consacré à l’accessibilité des logiciels professionnels comme condition d’accès à l’emploi, et le deuxième au droit au toucher comme nécessité pour un accès à la culture.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les services mis en place par apiDV pour accompagner les personnes aveugles et malvoyantes vers la réussite ?
L’accès à la lecture représente l’un de nos points forts. Nous sommes spécialisés dans la mise en accessibilité de documents complexes comme des publications scientifiques ou techniques. Il nous est arrivé d’avoir à adapter des polycopiés dans le domaine de l’agronomie ou de l’architecture pour des personnes malvoyantes. C’est un gros travail de lisibilité, voire de description fine, pour les schémas et les illustrations. ApiDV est d’ailleurs le premier transcripteur de livres scolaires en France. Les documents peuvent être mis à disposition en format numérique, en braille ou en gros caractères selon les besoins.
Nous avons également à cœur de faciliter l’accès à la presse au travers de notre « kiosque sonore » et nos revues en braille. Nous proposons des abonnements dans des domaines aussi variés que l’actualité, l’histoire, la vie quotidienne, la religion ou les sciences. Là encore, nous avons souvent un gros travail de description pour les images ou les graphiques, par exemple pour les dessins du Canard enchaîné, mais aussi pour Géo, ou Le Monde.
ApiDV est par ailleurs très impliquée dans l’accompagnement vers l’emploi et tout au long de la vie professionnelle. Notre club emploi existe depuis une dizaine d’années et a déjà accompagné plus de 700 personnes déficientes visuelles en recherche d’emploi, avec des profils très différents. Le coaching est réalisé par un binôme d’accompagnateurs qui mettent à disposition leur réseau et leur expérience.
Un autre pan important de notre action concerne le soutien à l’acquisition de l’autonomie. Nous proposons différents groupes de parole où les personnes déficientes visuelles et leurs aidants peuvent trouver des conseils et être orientés vers les services adaptés, comme des cours d’informatique adaptée ou de locomotion.
Que pensez-vous des nouvelles technologies d’aide à la mobilité pour les déficients visuels ?
Je parle ici en tant que Président d’apiDV mais aussi en tant que personne aveugle. Nous avons parmi nos membres une majorité de personnes actives, pour qui l’autonomie de déplacement est une condition indispensable de leur intégration sociale et professionnelle. Nous sommes donc nombreux à utiliser des technologies d’aide à la mobilité comme les GPS, calculateurs d’itinéraires sur smartphone, détecteurs d’obstacles ou bracelets vibrants. Nous sommes convaincus que ces technologies améliorent grandement notre autonomie. Être guidé sur un itinéraire qu’on ne connaît pas, confirmer sa position, obtenir un horaire de bus ou de train, connaitre le temps d’attente sont des actions du quotidien qui nous étaient encore inaccessibles quelques années en arrière. Les choses évoluent. ApiDV pratique une veille importante au niveau national pour savoir ce qui émerge et nous organisons régulièrement des démonstrations de nouveaux outils.
Mais les technologies n’apportent pas la solution à tous nos problèmes de déplacement. C’est la raison pour laquelle plusieurs de nos membres s’engagent dans l’amélioration de l’accessibilité urbaine au niveau local. C’est le cas à Nancy, Strasbourg ou encore Angers dans le cadre des CCA [Commissions communales d’accessibilité NDLR]. Un des sujets qui nous préoccupe est la disparition des feux de circulation et la création de zones de rencontre où le respect de la priorité au piéton reste très aléatoire. A Angers, nous avons réussi à faire entendre notre voix à force d’explications.
Nous arrivons au terme de notre entretien. Avez-vous un mot à ajouter ?
En tant qu’association représentant les personnes déficientes visuelles, nous avons encore de nombreux combats à mener pour faciliter l’accès à la vie sociale, scolaire et professionnelle. Je me réjouis qu’OKEENEA participe à son niveau à la pédagogie et à l’information autour de ces sujets. Il est important pour nous de maintenir des liens avec l’ensemble des structures œuvrant dans le même sens, du moment que nous partageons les mêmes valeurs. ApiDV fait partie des grandes fédérations nationales que sont la CFPSAA et la Fédération des Aveugles de France. Dans le cadre de notre veille technologique, nous entretenons également des relations suivies avec les concepteurs et fabricants de matériel spécialisé. Et nous réalisons aussi souvent que possible des sensibilisations dans les entreprises. Même si la réglementation impose la prise en compte de l’accessibilité sur les sites web et applications, la sensibilisation et la formation de tous les producteurs d’information reste un maillon essentiel pour que cette pratique devienne un réflexe. Merci de nous avoir accordé cet espace d’expression !
Publié le 29 mars 2021
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