France vs Québec : comment fonctionnent les feux sonores outre-Atlantique ?

De part et d’autre de l’Atlantique, les feux sonores permettent aux personnes aveugles ou malvoyantes de savoir quel est le bon moment pour traverser la rue. Mais la réglementation et les caractéristiques techniques de ces dispositifs varient d’un pays à l’autre. Nous vous proposons de faire le point sur les différences, les avantages et les inconvénients de chaque système en France et au Québec.

Point commun : l’équipement en feux sonores relève de la responsabilité des villes

Que ce soit en France ou au Canada, c’est l’administration locale qui est en charge de l’équipement des feux piétons en signaux sonores. Le gouvernement ne fait que fixer les obligations, normes et directives à suivre.

En France, les obligations d’équipement découlent de la loi « Handicap » du 11 février 2005, qui stipule : 

« La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. »

Loi « Handicap » du 11 février 2005

Au Québec, le texte de référence est désormais la « loi canadienne sur l’accessibilité », votée le 21 juin 2019, qui compte parmi ses principes fondateurs : ”le droit de toute personne à un accès exempt d’obstacles et à une participation pleine et égale dans la société, quels que soient ses handicaps. »

 

 

 

 

Norme obligatoire vs lignes directrices

Paris compte 1 770 carrefours contrôlés par des feux de signalisation, dont plus de 11 000 feux ont déjà été sonorisés. Outre-Atlantique, il existe à Montréal 2 300 carrefours à feux, et seulement 200 signaux sonores. La ville compte bien remédier à cette situation dans les prochaines années, mais ces chiffres montrent bien que l’incitation n’a pas autant d’impact que l’obligation légale.

Les caractéristiques techniques des feux sonores sont décrites pour la France dans la norme NF S32-002 « Dispositifs répétiteurs de feux de circulation à l’usage des personnes aveugles ou malvoyantes », publiée en 2004. Un décret de 2006 rend obligatoire la mise aux normes des feux de signalisation pour toutes les installations neuves et à chaque fois que des travaux sont réalisés sur un carrefour, quelle que soit la nature de ces travaux.

feux sonores France Canada réglementation

Au Canada, il n’existe pas de norme à proprement parler, mais des « lignes directrices pour la compréhension, l’utilisation et la mise en œuvre des signaux sonores pour piétons », publiées en 2008. Les installations de nouveaux feux sonores font l’objet d’une priorisation selon des critères bien définis : 

  • Demandes d’usagers,
  • Configuration du carrefour et complexité des traversées piétonnes : largeur des rues, vitesse des véhicules…
  • Nombre de piétons, en particulier de piétons déficients visuels, utilisateurs potentiels : proximité de pôles générateurs de déplacements, transports en commun…
  • Difficulté à traverser la rue sans l’aide de feux sonores : complexité des flux de circulation ou absence d’indices sonores…

Ces critères de priorisation ont pour objectif de faire le tri parmi les demandes d’usagers, qui ne peuvent pas toutes être satisfaites en raison de budgets trop restreints. 

L’activation à la demande

La plupart des feux sonores installés au Québec fonctionnent de manière permanente. Lorsque le feu piéton passe au vert, une mélodie est émise pendant toute la durée de la phase où il est possible de traverser. Cependant, ce système tend à disparaître au profit de l’activation à la demande, de manière à limiter la pollution sonore. Les feux sonores fonctionnant par activation émettent un bip de localisation bref, régulier et permanent. Ce bip permet aux personnes déficientes visuelles de localiser le bouton poussoir servant à l’activation de l’indication sonore sur la phase verte. Selon les cas, il suffit d’appuyer brièvement sur ce bouton ou le laisser enfoncé jusqu’à l’émission d’un bip de confirmation.

En France, tous les répétiteurs de feux sonores fonctionnent par activation. Et presque toujours, ils sont uniquement activés à l’aide d’une télécommande normalisée que les personnes aveugles ou malvoyantes peuvent se procurer auprès de leur mairie ou des associations spécialisées dans le handicap visuel. Seule la ville de Paris, en raison de sa très forte fréquentation touristique, conserve la possibilité d’activer les feux sonores par un bouton poussoir fixé sur le mât du feu.

La présence d’un bouton poussoir permet à toute personne d’activer le feu sonore sans avoir besoin d’un équipement spécifique. Cependant, il représente une difficulté pour les personnes aveugles. Celles-ci doivent d’abord localiser la traversée piétonne, rechercher le mât du feu, qui parfois se trouve à plusieurs mètres de la traversée, et trouver le bouton. L’activation par une télécommande permet de se dispenser de toutes ces étapes. Des bonnes pratiques existent pour organiser le circuit de distribution de cet outil indispensable. Par ailleurs, il est possible de transférer les fonctionnalités de la télécommande sur un Smartphone.

Le guide complet des feux sonores : réglementation, usage, historique…

Les indications sonores

Selon les lignes directrices canadiennes, les feux sonores doivent émettre une mélodie lorsque le signal piéton est vert. Pendant la phase rouge et la phase de dégagement, la plupart des signaux restent muets. Le « vert piéton » est signalé par un carillon sur les axes Est-Ouest, et par le son du coucou sur les axes Nord-Sud. 

Pour les traversées longues, le son est émis alternativement de part et d’autre de la chaussée, de manière à ce qu’une personne déficiente visuelle puisse conserver sa direction.
Un message verbal peut être diffusé au niveau du bouton poussoir pendant la phase rouge du feu piéton. Celui-ci indique le nom de la rue et éventuellement des informations sur la géométrie du carrefour propres à faciliter la traversée. Cette mesure est toutefois optionnelle.

La norme française prévoit en revanche 3 types d’indications sonores : le message verbal « Rouge piéton », la sonorité de début de vert et la sonorité normale de vert.

Le message « Rouge piéton » doit systématiquement être complété par le nom de la rue. Ceci permet à une personne déficiente visuelle de confirmer sa position. Ce message est facilement personnalisable grâce aux outils de paramétrage fournis par les fabricants.


La sonorité de début de vert consiste en une suite de notes caractéristiques très audibles dans le bruit ambiant de la circulation. La sonorité normale de vert est une mélodie unique décrite dans la norme sur les répétiteurs sonores.

Des compléments à la sonorisation côté canadien

Selon les lignes directrices canadiennes, d’autres indications peuvent être ajoutées pour améliorer l’information et faciliter l’orientation des personnes aveugles ou malvoyantes :

  • Un panneau indicateur comportant le mode d’emploi du signal sonore,
  • Une flèche tactile indiquant le sens de la traversée,
  • Le nom de la rue en braille et en relief,
  • Un plan en relief indiquant le nombre de voies, les sens de circulation, l’orientation des bordures de trottoirs et la présence d’îlots refuges.

Malgré leur utilité certaine, ces éléments sont rarement tous présents en raison du travail de personnalisation et du coût important qu’ils engendrent. Rappelons également que seuls 10 à 15% des personnes aveugles lisent le braille et sont en mesure de déchiffrer un plan en relief. Les éléments tactiles posent par ailleurs des problèmes d’hygiène. 

En revanche, il existe au Canada une mesure de sécurité dont la France aurait tout intérêt à s’inspirer. En cas d’activation d’un feu sonore, tous les passages de véhicules sont proscrits, y compris les mouvements tournants. Les personnes aveugles et malvoyantes ne risquent donc plus de voir leur trajectoire entravée par un véhicule. 


Pour conclure…


Les systèmes de répétiteurs de feux sonores français et canadiens présentent tous deux des avantages en termes de sécurité et d’usage. Cependant, faute de contraintes réglementaires, les feux sonores sont peu déployés au Québec, encore moins dans leur version complète satisfaisant au mieux l’usage des personnes aveugles et malvoyantes. Il faut reconnaître que la normalisation française et l’obligation d’équipement a considérablement boosté l’industrialisation de feux sonores de nouvelle génération. Ceux-ci utilisent des technologies avancées en termes d’activation, de paramétrage et de maintenance pour un coût très raisonnable.

Pour aller plus loin : Feux sonores : comment vous conformer à la nouvelle réglementation ?

Publié le 23 septembre 2019

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !