8e Assises Nationales de l’Accessibilité #1 – Partager la voirie et l’espace public

La Direction Ministérielle à l’Accessibilité  (DMA) organise tous les deux ans les Assises Nationales de l’Accessibilité. En marge du salon Autonomic, cet événement propose deux journées de réflexion à destination des professionnels et du grand public, l’occasion de faire le point sur l’accessibilité de la voirie et de l’espace public, du cadre bâti et des réseaux de transports. Comment faire pour que l’espace public soit partagé par tous ? Comment apporter du pragmatisme dans l’accessibilité aux établissements recevant du public (ERP) ? Comment mobiliser des moyens pour faciliter l’accès aux transports ? Comment valoriser l’aide humaine ? Où en est-on de la politique globale d’accessibilité à l’échelle du territoire ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles la 8e édition des assises des 13 et 14 juin derniers ont tenté d’apporter des réponses.

4 ateliers thématiques

Pour ouvrir ces 8e Assises Nationales de l’Accessibilité, la DMA a organisé 4 ateliers traitant de problématiques très actuelles :

  1. Le partage de l’espace public et sa réappropriation par tous les usagers ;
  2. La mise en place d’une accessibilité pragmatique et raisonnée dans les ERP pour une meilleure qualité d’usage ;
  3. Des transports collectifs au service de mobilités plus solidaires ;
  4. Les services, l’aide humaine et la qualité d’usage.

Ces ateliers ont réuni des représentants de la DMA, du CEREMA, des collectivités publiques, des autorités organisatrices des transports (AOT), des associations de personnes handicapées, des consultants et fabricants de solutions pour l’accessibilité, mais aussi des particuliers impliqués sur ces sujets. Et cette diversité des profils a donné lieu à des débats très riches que nous allons vous résumer ici.

L’espace public à se réapproprier et à partager, pour tous ?

rue de Paris avec piétons sous le soleilLa ville est en constante évolution et nous nous trouvons à un tournant. La voiture perd du terrain au profit d’autres modes de déplacement. Mais comment faire pour que tous les usagers puissent jouir de cet espace ? Pour commencer, c’est Thierry Jammes, Président de la Commission Accessibilité de la CFPSAA (Confédération Française pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes) et grand témoin de cet atelier, qui a fait la démonstration des difficultés que rencontrent les personnes ayant un handicap visuel dans ces nouveaux environnements.
Le tramway qui a refait son apparition dans la plupart des villes moyennes ou grandes a fortement modifié les paysages urbains et l’aménagement des chaussées. Les trottoirs deviennent des espaces partagés où les piétons doivent côtoyer toutes sortes d’engins à roues ou à roulettes. Les trottoirs se trouvent de plus en plus souvent au même niveau que la chaussée. Les repères traditionnels disparaissent. Auparavant, les personnes aveugles s’appuyaient sur deux repères fixes : la bordure du trottoir d’un côté, abaissée au niveau des passages piétons, et les façades des bâtiments de l’autre. Entre ces deux lignes se trouvait un espace de sécurité pour les piétons. C’est cet espace de sécurité qu’il faut recréer aujourd’hui, sans quoi les personnes aveugles et malvoyantes continueront de restreindre leurs déplacements. Le cheminement est devenu une réelle épreuve de concentration. La suppression des feux tricolores, et des modules sonores associés, dans certains quartiers aggrave encore la perte de repères et le sentiment d’insécurité. Selon Thierry Jammes, il est impératif de donner une définition juridique au trottoir, définition qui tienne compte de l’enjeu de sécurité pour les piétons.

De nouveaux enjeux de mobilité pour la ville d’aujourd’hui et de demain

Après cette intervention, Anne Faure, de l’association La rue de l’avenir, nous a donné un rapide aperçu de l’évolution de l’espace urbain. La France s’est beaucoup inspirée des pays du Nord. La récente démarche législative sur le code de la rue n’a eu de cesse que de protéger les usagers les plus fragiles. Une prise de conscience s’est faite peu à peu de l’importance des piétons. Les zones apaisées, zones 30 ou zones de rencontre sont apparues. Mais la disparité est grande selon les territoires. De nombreuses collectivités sont revenues en arrière lors des dernières élections municipales sous la pression des commerçants qui demandent plus de stationnement en ville. Après la dérive du tout-voiture qui a marqué le 20e siècle, nous revenons aujourd’hui à un équilibre quasi parfait entre les espaces dévolus à ce mode de transport et ceux réservés aux piétons.

Cet équilibre est tout de même à nuancer, car les piétons, et utilisateurs d’autres modes doux, sont plus nombreux que les automobilistes. L’espace public a changé, car de nombreux autres facteurs ont changé : vieillissement de la population, réchauffement climatique, nouveaux modes de mobilités actives, usage des nouvelles technologies, pression foncière, repli sur soi. Certains besoins sont contradictoires, par exemple selon les familles de handicaps. Les repères tactiles au sol sont indispensables aux personnes déficientes visuelles mais peuvent s’avérer gênants pour les utilisateurs de fauteuil roulant lorsqu’ils sont mal conçus. Les personnes âgées ont besoin de bancs pour fractionner leurs trajets. Si les conditions ne sont pas réunies pour qu’elles puissent se déplacer à pied, ceci provoque d’importantes répercussions sur leur santé et leur vie sociale. Par ailleurs, certaines personnes vouent une trop grande confiance dans les nouvelles technologies. Aujourd’hui, les véhicules électriques posent des problèmes par leur silence. Et nous ne savons pas comment les voitures autonomes pourront gérer les conflits avec les piétons ou même les cyclistes.

personnes agées sur un banc dans une villeQuelques solutions en perspective

Pour répondre à certaines de ces interrogations, Eric Alexandre, chargé de mission à la DMA, a fait part des travaux de cette institution sur les déplacements des personnes âgées. Il apparaît en effet que les bancs sont indispensables, mais aussi des sanitaires fréquents. Il explique par ailleurs que la recherche de consensus par la concertation est une bonne réponse à la contradiction des besoins entre familles d’usagers.

La multiplication des chantiers représente également une difficulté majeure pour les personnes à mobilité réduite (PMR), qui doivent modifier leur cheminement et manquent souvent d’information pour anticiper. Le CEREMA a émis des préconisations sur l’accessibilité des chantiers, notamment par l’information visuelle et sonore. Le guide « La balise sonore en questions », qui vient d’être publié par la DMA évoque également l’utilisation de balises sonores en phase de travaux. Mais l’information doit aussi passer par les associations d’usagers.

Encourager la marche plaisir

Les débats dans la salle se sont poursuivis, pointant deux problèmes principaux : l’encombrement des trottoirs et le manque d’éducation de la population sur la marche à pied. Pourtant, encourager la marche serait un moyen efficace de limiter la présence des véhicules de toutes sortes. Des initiatives intéressantes existent en ce sens. Une solution consiste à ne plus considérer le déplacement uniquement sous l’aspect de la vitesse. Même si la marche à pied n’est pas le mode de transport le plus rapide, elle peut avoir une dimension plaisir. C’est aussi un bon moyen de faire du bien à sa santé. D’ailleurs, Île-de-France Mobilités avait remis un prix à une commune de la région parisienne qui avait mis en place des cheminements piétons identifiables par différentes couleurs selon le critère choisi : rapidité du trajet, parcours santé, parcours nature, beaux paysages, etc. A chacun de choisir en fonction du temps dont il dispose, de la météo ou de son humeur. De nombreux réaménagements de centres-bourgs vont dans le même sens en créant des espaces à vivre dans la ville et des ilots de nature propices à la fraicheur.

En conclusion de cet atelier, nous pouvons dire que les évolutions visant à donner plus d’espace aux piétons sont très positives. Néanmoins, elles ne doivent pas laisser sur le bas-côté les usagers les plus vulnérables. Certains aménagements ont été réalisés trop vite, sans faire suffisamment de pédagogie et de concertation. L’éducation de tous les usagers aux nouvelles règles de partage de l’espace public est essentielle. Thierry Jammes précise que l’enseignement de ces nouvelles règles aux personnes aveugles et malvoyantes devra être réalisé par les professionnels de la rééducation et instructeurs de locomotion. Mais sans plus de repères dans les rues, la tâche risque d’être très ardue. En France, nous avons la chance d’avoir une réglementation centralisée, ce qui permet d’utiliser les mêmes codes partout. C’est le cas des bandes de guidage et bandes d’éveil de vigilance à destination des personnes déficientes visuelles. L’information du grand public sur ces équipements est absolument indispensable pour qu’ils soient utilisés à bon escient. Le signalement des zones 30 et zones de rencontre est encore largement inopérant sur le plan visuel d’une part, mais encore plus sur le plan sonore. Les villes représentées lors de cet atelier ont bien pris conscience de l’importance d’anticiper les changements et de prendre en compte les besoins spécifiques des plus fragiles comme les enfants et les personnes âgées. Encore faut-il trouver les moyens de bien mener les projets de concertation et d’éducation qui s’imposent.

Mis en ligne le 20 juin 2018

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !