8e Assises Nationales de l’Accessibilité #2 – Vers une accessibilité pragmatique des ERP

8e Assises Nationales de l’Accessibilité #2 – Vers une accessibilité pragmatique des ERP
Crowd in the mall

Les 13 et 14 juin derniers se tenaient à Paris les 8e Assises Nationales de l’Accessibilité organisées par la DMA. Nous poursuivons notre série d’articles sur cet événement et vous proposons aujourd’hui une synthèse du deuxième atelier, qui avait pour titre : « Réglementation : une accessibilité pragmatique et raisonnée dans les ERP pour une véritable qualité d’usage. » Avec pour grand témoin Stéphane Lenoir du GIHP (Groupement pour l’Insertion des personnes Handicapées Physiques), cet atelier avait pour objectif de partager les visions pragmatiques d’une accessibilité ne se limitant pas à la réglementation mais axée sur la prestation de services dans les établissements recevant du public.

La réglementation accessibilité : un garde-fou nécessaire mais pas suffisant

Le constat est là : la réglementation est un garde-fou qui permet d’assurer un minimum, mais elle ne permet pas de répondre à tous les besoins des usagers dans le cadre bâti. A trois ans de la mise en place du dispositif des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), les gestionnaires d’établissements recevant du public (ERP), et notamment les petites communes, dénoncent le coût humain et financier. Les diagnostics, les formulaires à remplir…, tout cela implique un lourd investissement des équipes. Même lorsque l’accessibilité est garantie par des moyens de substitution, les démarches administratives nécessaires pour faire valider ces changements par la commission d’accessibilité sont pesantes.
La ville de Toulouse témoigne des difficultés rencontrées pour introduire des solutions allant au-delà de la réglementation. Les bureaux de contrôle ont une vision très stricte et peuvent parfois invalider des solutions qui vont pourtant dans le sens de la qualité d’usage. Par exemple, le choix a été fait d’équiper tous les ERP de la commune d’un kit auditif d’accueil, un système de boucle à induction magnétique portative. Cela répond à une volonté d’apporter une réponse pragmatique et homogène à un besoin commun de toutes les personnes malentendantes : pouvoir communiquer avec le personnel. Cet équipement n’est cependant pas inscrit dans la réglementation et doit faire l’objet d’une validation comme solution d’effet équivalent.

La ville de Paris reconnait également rencontrer des difficultés avec les bureaux de contrôle pour faire valider des solutions allant dans le sens d’une meilleure qualité d’usage. Cependant, l’introduction des Ad’AP a permis de rationaliser les besoins et faire avancer les choses.
Dans les petites communes où peu d’habitants présentent un handicap visible, il est difficile de convaincre les commerçants de l’utilité de la mise en accessibilité. Pourtant, 80% des handicaps sont invisibles et dans tous les cas, les aménagements profitent à tous.

L’approche patrimoniale, une clé pour la qualité d’usage à moindre coût

Le CRIDEV, auteur de la démarche HQU (pour haute qualité d’usage) déplore que les gens prennent la loi comme une recette de cuisine. La loi est nécessaire même si elle est insuffisante. Il faudrait que les professionnels ne soient pas formés uniquement à la norme mais à la qualité d’usage. L’objectif est d’aller vers une obligation de résultats et pas seulement de moyens.
Les collectivités publiques qui ont adopté une approche patrimoniale de la mise en accessibilité témoignent de l’efficacité d’une telle démarche sur l’amélioration de la qualité d’usage et l’optimisation des coûts.
Le plus important n’est pas d’appliquer la réglementation à la lettre mais de construire l’accessibilité avec les bénéficiaires. Ceci passe par la mise en place d’une politique de concertation.
Communication et formation du personnel au cœur d’une accessibilité efficace

Un autre moyen d’améliorer l’accessibilité à moindre coût est de communiquer sur les prestations de l’établissement en utilisant tous les moyens à disposition : site web, applications smartphone, plaquettes d’information, accueil téléphonique et physique, etc. La ville de Toulouse communique par exemple la liste des ERP équipés de kits auditifs d’accueil à tout le réseau associatif. Le registre d’accessibilité entre parfaitement dans cette logique, la formation du personnel également. Celle-ci ne doit pas se limiter au personnel d’accueil mais, comme le précisent les textes, tous les professionnels en contact avec les usagers et les clients. La formation à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées concerne donc toute la chaîne d’interaction humaine.
La DMA travaille actuellement à la rédaction d’un guide sur la formation à l’accueil des personnes handicapées. Contrairement à une simple sensibilisation, une formation doit permettre d’être opérationnel tout de suite, avec des mises en situation concrètes en rapport avec le quotidien professionnel des apprenants. Elle doit bien sûr s’appliquer à toutes les familles de handicaps. Le guide permettra de choisir son organisme de formation selon des critères d’efficacité.

Un autre guide vient d’être publié, cette fois par la fondation Malakoff Médéric Handicap. Il s’agit du « guide des bons usages pour des centres de santé et des structures de soin accessibles à tous. » Ce guide, réalisé par le cabinet Cogito Ergo Sum de Nadia Sahmi, propose une méthodologie transposable à toutes les catégories d’établissements, qui permet d’impliquer tous les acteurs de la conception et du fonctionnement des centres de santé. Ce guide se compose de cahiers et de fiches facilement consultables par les professionnels à tout moment.

Formation de formateurs et vidéo en support

Au sein d’AccorInvest, la branche immobilière d’AccorHôtels qui gère près de 350 hôtels, la direction du patrimoine s’occupait historiquement de la maintenance et du respect des normes de sécurité. Les Ad’AP sont arrivés au moment de la réorganisation du service. Ils ont représenté un vrai levier pour éveiller les consciences et faire bouger les choses. Mais ils ont aussi été perçus comme une contrainte de plus. L’accessibilité n’étant malheureusement pas prise en compte dès l’origine des projets, le budget à mobiliser vient en plus du reste. Il était difficile de faire admettre à tout le monde en interne que les hôtels doivent être accessibles à tous. Voilà pourquoi la décision a été prise de sensibiliser tous les acteurs impliqués dans les projets, de l’architecte à la femme de chambre, en passant par tout le personnel hôtelier et les acteurs de la construction. La formation au handicap et à l’accessibilité concerne tout le monde. Au sein d’AccorInvest, ce sont les personnes formées qui transmettent à leur tour leur savoir à leurs collègues. La formation se fait aussi par la diffusion de vidéos. C’est ce qui a été fait pour expliquer à tout le personnel en contact avec le public le fonctionnement des boucles à induction magnétique d’accueil.

L’ensemble des prestations dans une partie accessible du magasin

Dans le commerce, les problématiques sont semblables. Le caviste Nicolas compte 500 magasins en France. Pour réaliser l’Ad’AP, tous les gérants ont été mobilisés pour collecter les informations concernant l’accessibilité de leur magasin. Chaque magasin étant différent, l’investissement humain et financier a été important. Certains d’entre eux n’ont pas pu être rendus accessibles pour des raisons techniques. Dans tous les cas, l’effort de mise en accessibilité s’est porté en priorité sur le franchissement de l’entrée du magasin. Le choix a été fait de ne rendre qu’une partie du magasin accessible. Ce choix s’avère adapté pour ce type d’activité. Le rôle d’un caviste est en effet un rôle de conseil auprès de sa clientèle. C’est lui qui se déplace dans le magasin pour apporter le bon produit à ses clients. Tous les clients, qu’ils soient handicapés ou non, sont donc reçus de la même manière. Des outils ont par ailleurs été mis en place pour la sensibilisation des gérants à l’accueil de personnes handicapées.

Accès à la culture avec les Souffleurs d’Images

C’est parce que l’aide humaine est un élément clé de l’accès aux services pour tous que la formation du personnel est si importante. Citons enfin l’exemple du CRTH (Centre Recherche Théâtre Handicap) qui a lancé le service Souffleurs d’Images. S’appuyant sur des bénévoles artistes ou étudiants en arts, le service offre la possibilité aux personnes aveugles et malvoyantes d’accéder aux événements culturels de leur choix : théâtre, exposition, cirque, danse, etc.

En conclusion, même si la lourdeur administrative ainsi que le coût humain et financier restent au cœur des préoccupations des propriétaires et gestionnaires d’ERP, cet atelier a permis de mettre en lumière de nombreuses initiatives et bonnes pratiques qui améliorent au quotidien l’offre de services accessibles aux personnes handicapées.

Mis en ligne le 27 juin 2018

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !