3 questions à Carole Guéchi, Directrice de l’Accessibilité SNCF
Voilà plus de 10 ans que la SNCF améliore en continu l’accessibilité de ses infrastructures et de son matériel roulant pour favoriser la mobilité des voyageurs à besoins spécifiques. Focus sur une politique exemplaire basée sur 4 piliers : la concertation des usagers, l’accessibilité physique, l’aide humaine et les services digitaux.
Bonjour Madame Guéchi. Vous êtes Directrice de l’Accessibilité du groupe SNCF. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre mission ?
Je suis en effet Directrice de l’Accessibilité du groupe SNCF depuis septembre 2015. La Direction de l’Accessibilité a pour mission de piloter la politique d’accessibilité pour tout le groupe, en ce qui concerne les déplacements des voyageurs handicapés et à mobilité réduite. Nous sommes en charge du suivi du schéma directeur d’accessibilité des services ferroviaires nationaux SDNA/Ad’AP pour le compte de l’Etat. Concrètement, nous veillons à ce que l’ordonnance du 26 septembre 2014 soit appliquée dans les règles et que le programme des travaux se déroule bien. Le schéma directeur national porte sur les 160 plus grandes gares de France, qui doivent être mises en accessibilité d’ici 2024. Il existe en parallèle 20 schémas directeurs régionaux pour les quelques 730 gares restantes, dont 209 sont situées en Île-de-France.
Notre deuxième mission consiste à participer à l’élaboration des textes réglementaires français et européens concernant l’accessibilité des transports, mais aussi à leur évolution. Nous siégeons donc à la Commission européenne du rail en tant que transporteur. Nous travaillons aussi avec le Ministère des Transports français, entre autres sur les projets de la loi d’orientation sur les mobilités, dite LOM, et la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement. Nous participons à un groupe de travail sur l’inclusion des séniors afin de bien comprendre et anticiper les enjeux de demain.
Le troisième pilier de notre action, c’est notre démarche partenariale avec le monde associatif. Nous avons créé 2 instances pour l’information et la concertation des personnes handicapées et personnes âgées. Premièrement, le Conseil Consultatif pour l’Accessibilité, qui comprend 9 associations et se réunit 2 à 3 fois par an. D’autre part, les commissions techniques qui ont lieu une fois par mois avec les référents transports mandatés par ces associations. Ces commissions ont pour objectif de travailler sur des projets spécifiques concernant de nouveaux équipements dans les gares, le matériel roulant ou les outils numériques : tests de prototypes, cahiers des charges, recommandations, etc. Par exemple, les portiques de sécurité pour l’accès aux quais des TGV ont fait l’objet d’une commission pour les adapter aux personnes handicapées : hauteur et largeur de passage, inclinaison de l’écran, vitrophanie, etc. Nous menons actuellement une grande concertation concernant le projet du nouveau TGV qui roulera en 2023, avec les ingénieurs d’Alstom, pour le rendre le plus confortable possible pour les personnes à mobilité réduite. La compréhension des besoins des personnes handicapées est un énorme travail. Nous en sommes déjà à 2 000 heures de concertation.
A vous entendre, nous comprenons bien l’ampleur du chantier que représente la mise en accessibilité à l’échelle d’un réseau ferroviaire national. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous êtes organisés au sein du groupe SNCF pour relever ce défi ?
La Direction de l’Accessibilité se situe au siège du groupe à Saint-Denis. Nous sommes 8 personnes au sein du service et travaillons en étroite collaboration avec un réseau d’une centaine de référents accessibilité sur l’ensemble du territoire. C’est un réseau très actif. Chacun rayonne comme une petite étoile, sensibilise ses collègues et les poussent à réaliser des actions concrètes.
Pour remplir notre objectif de faciliter le déplacement de tous, la formation du personnel est un point essentiel. Depuis 2015, nous avons formé plus de 6 000 agents à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées. C’est un projet sans fin puisque les agents changent de poste en moyenne tous les 3 ans. Mais plus il y a de personnes formées dans toutes les branches du groupe SNCF, plus les sujets relatifs à l’accessibilité ont des chances d’être correctement pris en compte. C’est un progrès continuel !
La mise en accessibilité d’une gare prend en moyenne 3 ans : une année d’études puis 18 mois à 2 ans de réalisation. Elle comprend une vingtaine de chantiers différents : rampes d’accès, ascenseurs et passerelles pour franchir les voies, rehaussement des quais pour faciliter l’accès aux trains, renforcement de la signalétique avec de l’information en braille, amélioration de l’éclairage, pose de bandes podotactiles pour le guidage au sol et de balises sonores pour aider au cheminement des déficients visuels, ou encore équipement des guichets en boucles magnétiques filtrant les sons parasites pour permettre aux personnes malentendantes appareillées de dialoguer avec le vendeur, etc. Les travaux doivent pour beaucoup être réalisés de nuit ou pendant les week-ends, en particulier pour tout ce qui se fait aux abords des voies, car il est impossible de bloquer la circulation des trains. Ce sont donc des opérations longues qui nécessitent un suivi très scrupuleux.
Il faut compter un budget de 4 à 6 millions pour une gare simple, à savoir une gare ne comportant que 2 quais et un bâtiment voyageurs. Si on parle d’une gare complexe comme la gare du Nord, ce budget est à multiplier au moins par 10.
Le patrimoine de la SNCF est plus que centenaire, ce qui explique que la qualité de l’accessibilité ne pourra jamais être aussi bonne que sur du neuf. Certains bâtiments sont classés au patrimoine historique. Le projet du Grand Paris Express, avec ses 68 nouvelles gares, représente une belle opportunité de réaliser une accessibilité exemplaire et de faire place à l’innovation pour enfin se projeter dans le 21e siècle.
Parlons innovation justement. Quelles sont selon vous les perspectives en matière d’amélioration de la mobilité des personnes handicapées pour les années à venir ?
Je suis convaincue que le déplacement des personnes à mobilité réduite va beaucoup s’améliorer, pas uniquement en raison des travaux, mais aussi grâce au développement du digital. Nous sommes dans une société qui se digitalise et la SNCF ne fait pas exception. Nous avons pour ambition de créer des outils qui soient à la fois accessibles, pratiques et fluides pour faciliter la vie dans les gares et les voyages en train. Nos efforts portent sur l’accessibilité numérique et la simplification des applications pour créer un assistant personnel à la mobilité, une sorte de « couteau suisse du voyage ». L’objectif est d’accompagner chaque voyageur de la porte de son domicile jusqu’à sa destination en proposant des parcours complets alliant cheminements piétons et trajets multimodaux.
Le smartphone a apporté une capacité d’action énorme mais nous sommes encore dans une période de transition entre deux ères technologiques. On sait qu’on va vers un taux d’équipement de 100% même si ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Le smartphone est le symbole de la mobilité. Et c’est pour cette raison que nous travaillons en priorité sur des applications plutôt que sur un site web. L’enjeu est de transmettre l’information en temps réel à tous les voyageurs, y compris en situation perturbée.
Je peux citer l’exemple de l’application MAV : Mon Assistant Visuel, qui sera mise sur le marché à la fin de l’année. Cette application permettra de recevoir en direct les annonces du chef de bord sur son smartphone. Elle s’adresse en priorité aux personnes sourdes ou malentendantes, mais aussi aux personnes déficientes intellectuelles. Une fois que l’utilisateur est enregistré, l’application lui permet de suivre son voyage, d’être informé d’éventuelles perturbations comme un retard sur la ligne. Elle sera disponible dans un premier temps dans les TGV et Intercités.
Pour le guidage des personnes aveugles ou malvoyantes dans les gares, la concertation avec les usagers nous a amenés à écarter des solutions sur lesquelles il y avait beaucoup de réticences, pour des raisons d’hygiène ou de complexité. C’est par exemple le cas des plans tactiles, qui sont pourtant souvent présents dans les gares étrangères. Notre priorité est bien de nous orienter vers des solutions qui vont être utilisées. Les bandes de guidage podotactiles couplées à des balises sonores répondent aujourd’hui parfaitement aux attentes d’efficacité et de simplicité exprimées par les usagers déficients visuels.
L’innovation des équipements individuels fait aussi beaucoup de progrès. Dans les années à venir, c’est donc bien la convergence de l’adaptation des infrastructures et de l’évolution des équipements personnels qui va permettre d’atteindre l’objectif d’accessibilité. Par exemple, les exosquelettes, qui ne sont aujourd’hui pas accessibles aux particuliers, le seront certainement dans un avenir proche. Ils permettront alors plus facilement aux personnes âgées de se déplacer, monter et descendre des marches, porter leurs bagages, etc. De nouveaux modes de déplacement comme les gyropodes ou scooters électriques à 3 roues vont aussi révolutionner le déplacement des personnes à mobilité réduite. Des sujets techniques aujourd’hui compliqués à gérer vont donc forcément évoluer.
En conclusion, entre la mise en accessibilité des gares, le renouvellement du matériel roulant, l’assistance par du personnel formé et les services digitaux, la SNCF œuvre pour offrir toujours plus d’autonomie et de liberté aux voyageurs à besoins spécifiques.
Pour aller plus loin :
– DIRECTION DE L’ACCESSIBILITÉ
– LA SNCF sélectionne notre balise sonore NAVIGUEO+HIFI pour équiper ses sites de transports
Auteur Lise Wagner // Article publié le 19/12/2018