Retour sur le colloque de la DMA #1 : mobilités actives, LOM et ZFE

La Direction Ministérielle à l’Accessibilité (DMA) organise chaque année un grand colloque réunissant tous les acteurs de l’aménagement urbain pour faire le point sur les enjeux de mobilité et accessibilité aux personnes handicapées. Intitulée « Les mobilités en mouvement : une opportunité pour une cité inclusive », l’édition 2019 a fait la part belle aux apports de la loi d’orientation des mobilités (LOM) récemment adoptée. Si vous n’avez pas eu la chance d’y assister, nous vous invitons à suivre notre série d’articles résumant les présentations et les débats.

Des politiques pour adapter l’espace public aux piétons et personnes à mobilité réduite

En introduction, Brigitte Thorin, déléguée ministérielle à l’accessibilité (DMA) et Hervé Brulé, adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), sont revenus sur les principes fondamentaux de la LOM : améliorer les déplacements des Français tout en intégrant l’enjeu environnemental. La LOM comporte plusieurs dispositions visant à faciliter la mobilité des personnes handicapées. Les collectivités locales et les autorités organisatrices des transports (AOT) qui évoluent en autorités organisatrices de la mobilité (AOM) seront au cœur de sa mise en application.

Ensuite, le colloque a démarré par une première table ronde dont l’intitulé annonce un objectif clair : « rendre la ville à tous ses habitants. » Quelles politiques mettre en place pour adapter l’espace public à tous ses usages ? C’est Sonia Lavadinho, chercheuse spécialisée en mobilités et transformations urbaines, qui, en tant qu’animatrice du colloque, a ouvert le débat. Pour elle, il est urgent de créer « la ville de la rencontre. » Nous ne nous déplaçons pas pour le plaisir d’avaler des kilomètres mais pour vivre des expériences, se rencontrer et donner du sens à notre vie. Peu importe l’espace, c’est l’espace-temps qui compte. Nous vivons en moyenne 30 000 jours mais n’avons que 4 000 week-ends de temps libre. Les difficultés d’accès représentent jusqu’à 7 ans de notre vie, 7 ans que nous pourrions récupérer grâce à une meilleure conception de la ville. C’est une question de justice sociale.

Au moment de démarrer une nouvelle décennie, Sonia Lavadinho nous transmet 5 messages :

  1. Développer l’inclusivité.
    Pour tous et en tous temps, il nous faut réduire les situations handicapantes, qu’elles soient liées à une déficience motrice, sensorielle ou intellectuelle, mais aussi au port de charges lourdes, à l’âge ou aux conditions de déplacement.
  2. Fabriquer la ville lisse.
    Les villes comptent en moyenne 1 000 à 2 000 km de voirie. L’enjeu est d’assurer la continuité du cheminement pour tous tout en conservant des éléments qui enrichissent l’environnement. Nos villes étant de plus en plus complexes et multimodales, les points de repère sont plus que jamais nécessaires.
  3. Remplacer le paradigme de la vitesse par le paradigme de l’urbanité.
    Nous devons mettre fin à cette logique de couloirs qui détermine encore trop souvent l’aménagement urbain.
  4. Promouvoir les mobilités actives.
    Notre premier ennemi, c’est la chaise. La sédentarité a de graves conséquences sur la santé. Il faut donc développer la part modale des vélos et des piétons.
  5. Attaquer cette nouvelle décennie avec des outils extraordinaires pour la mobilité.
    La décennie 2020-2030 sera clé dans notre siècle. Nous bénéficions aujourd’hui de technologies innovantes et pouvons tirer les enseignements du passé. Profitons-en pour changer la donne !

Rééquilibrer la voirie en faveur des piétons et autres modes actifs

colloque de la DMA novembre 2019 Paris sur l'accessibilité

Séverine Carpentier, de la Délégation à la Sécurité Routière a dressé un état des lieux de la place du piéton et autres mobilités actives dans la ville. 470 piétons ont été tués en 2018 dont les deux tiers en agglomération. Les séniors sont les premières victimes. La part de la mortalité des piétons n’a pas diminué dans le nombre global de tués sur les routes.

Concernant les cyclistes, ils sont 191 à avoir perdu la vie en 2018, dont 47% en agglomération. 83% des cyclistes blessés le sont aussi en agglomération. Le bilan du partage de la voirie tel qu’il est pratiqué actuellement est plutôt mitigé. Voilà pourtant plus de dix ans que la démarche a démarré.

L’accessibilité de la voirie aux personnes handicapées est régie par la réglementation de 2006 qui introduit le principe d’un cheminement continu et sans obstacles pour les piétons. Ceci concerne les trottoirs et les traversées piétonnes avec création d’abaissements, pose de bandes podotactiles d’éveil de vigilance et installation de feux sonores. Ces aménagements se font progressivement en fonction du PAVE défini par chaque commune et à chaque fois que des travaux ont lieu sur la voirie.

C’est également en 2006 qu’est née la démarche « code de la rue ». Inspirée d’une expérimentation en Belgique, la démarche du « code de la rue » opère un changement radical dans la manière de penser les centres-villes en instaurant le principe de prudence de chacun vis-à-vis d’un usager plus vulnérable que soi.

En 2014, le plan d’action pour les mobilités actives (PAMA) a eu pour effet l’abaissement de la vitesse dans de nombreuses collectivités et la création de zones 30 et zones de rencontre. On compte aujourd’hui près de 430 zones de rencontre en France. Les sanctions pour stationnement sur les trottoirs ont été durcies et il est désormais interdit de stationner à moins de 5 mètres d’un passage piéton. Dans le but de désencombrer les trottoirs, les marquages au sol sont privilégiés par rapport aux panneaux. Le double-sens cyclable est de plus en plus souvent la règle dans les zones 30 et zones de rencontre. La création de sas vélo et l’autorisation accordée aux cyclistes de s’éloigner du bord droit sont également des mesures qui visent à améliorer leur sécurité en limitant les conflits aux intersections.

Le Comité Interministériel de la Sécurité Routière a renforcé début 2018 les sanctions pour non-respect de la priorité aux piétons lors des traversées avec un retrait de 6 points sur le permis de conduire. Cette infraction peut désormais être constatée par vidéo-verbalisation.

Les places de stationnement situées à moins de 5 mètres d’un passage piéton sont peu à peu supprimées, créant ainsi des espaces pour les vélos et EDP (engins de déplacement personnels N.D.L.R.). Il est recommandé aux collectivités de matérialiser cet espace par la ligne d’effet du passage piéton.

2018 est aussi l’année du plan national vélo et a vu exploser le développement des engins de déplacement personnels motorisés, trottinettes électriques en libre-service. Le parlement a alors dû légiférer en urgence sur cette question. Le principe est simple : on autorise sur les trottoirs la circulation des piétons et des engins de déplacement non motorisés utilisés par les enfants, les usagers plus rapides devant emprunter les pistes cyclables.

Les politiques visant à réduire la circulation automobile se généralisent dans les villes : élargissement des trottoirs, suppression des couloirs cyclables, suppression des passages piétons et feux de signalisation… Si ces mesures sont parfois mal comprises, car elles nécessitent une période d’adaptation, elles doivent à terme rétablir l’équilibre de l’occupation de l’espace public en faveur des piétons.

La loi LOM et la mobilité dans l’espace public

Encadrement des trottinettes en free-floating, accès des PMR aux zones à faibles émissions (ZFE) et aux bornes de recharge des voitures électriques sont autant de sujets traités dans la loi d’orientation des mobilités.

trottinette sur une alléeHervé Brulé de la DGITM a commencé par déplorer l’absence de cadre réglementaire au moment de l’apparition des services de free-floating et de la multiplication des EDPM dans les rues de nos villes, tant en ce qui concerne les règles de circulation que le stationnement. Il existe aujourd’hui plus d’un million de véhicules en circulation. Un décret a cependant été publié le 23 octobre 2019. Le décret précise la définition des engins de déplacement personnels motorisés : « véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. »

Les EDPM sont désormais associés aux vélos. Leur circulation est interdite sur les trottoirs et doit se faire impérativement sur les aménagements cyclables quand ils existent. Le port du casque est recommandé en toutes circonstances mais devient obligatoire lors de la circulation sur des routes limitées à 80 km/h. Seuls les usagers de plus de 12 ans sont autorisés à conduire un EDPM. L’assurance est obligatoire et relève de la responsabilité des opérateurs de free-floating le cas échéant. Le stationnement est autorisé sur les trottoirs à condition qu’il ne gêne pas la circulation des piétons, et notamment des personnes à mobilité réduite. De préférence, il devra se faire sur la chaussée, dans les 5 mètres en amont ou en aval des passages piétons.

L’article 41 de la loi d’orientation des mobilités définit les obligations que devront respecter les opérateurs de véhicules en libre-service. Avant toute implantation, ils devront recevoir un accord de l’autorité organisatrice de la mobilité qui précisera les règles d’occupation de l’espace public et l’application de redevances. Ils ont par ailleurs l’obligation d’informer leurs usagers sur les règles de circulation et de stationnement applicables.

 

 

 

Ouvrir les ZFE aux personnes à mobilité réduite

La pollution atmosphérique est responsable de 48 000 morts par an. Connues auparavant comme zones à circulation restreinte (ZCR), les zones à faibles émissions, abrégées ZFE, visent à améliorer la qualité de l’air dans l’objectif de protéger la santé des habitants. Le principe consiste à limiter la circulation des véhicules émetteurs de polluants atmosphériques sur des périodes données (plusieurs heures ou plusieurs jours). La LOM donne l’élan pour le déploiement de ces ZFE et prévoit des mesures pour qu’elles soient accessibles aux PMR. Ce sont ces mesures que Julia Zucker, chargée de mission à la DMA, a exposées. Les autorisations de circuler sont accordées aux véhicules en fonction de leur vignette crit’air, de 1 à 5. Les véhicules de transports en commun et services prioritaires (pompiers, ambulances, police…) doivent pouvoir circuler à toute heure. Un droit à circuler est également établi pour les personnes handicapées titulaires d’une carte européenne de stationnement ou carte mobilité inclusion (CMI), quelle que soit leur vignette crit’air.

Voiture éléctrique en chargeRéduire les polluants passe aussi par l’interdiction progressive des véhicules thermiques et la généralisation des véhicules électriques. La loi d’orientation des mobilités crée un service public de bornes de recharge et impose un pourcentage d’emplacements accessibles aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. La loi impose également dans son article 9 de mettre à disposition les données relatives aux points de recharge publics et à leur accessibilité. C’est la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat N.D.L.R.) qui en aura la responsabilité. Ces données seront alors intégrées dans les applications mobiles recensant les bornes.

Après cet état des lieux sur la place des mobilités actives dans l’espace public puis l’exposition des premières mesures de la LOM en faveur de leur développement, le colloque s’est poursuivi sur la thématique des aménagements et mobiliers urbains inclusifs. Nous vous réservons le compte-rendu de ces interventions passionnantes pour un prochain article à paraître ce mois !

Plongez-vous dans notre dossier complet pour mieux comprendre la loi d’Orientation des Mobilités :

La loi d’Orientation des Mobilités : une réponse aux problématiques d’accessibilité

Retour sur le colloque de la DMA #2 : l’accessibilité au service de la mobilité de tous

Retour sur le colloque de la DMA #3 : une offre de mobilités pour tous les usages

Retour sur le colloque de la DMA #4 : LOM et ouverture des données d’accessibilité

Publié le 8 janvier 2020

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !