Feux piétons : une nouvelle expérimentation pour le rouge de dégagement

Feux piétons : une nouvelle expérimentation pour le rouge de dégagement

Si vous avez voyagé à l’étranger, vous avez certainement déjà vu des feux piétons clignotants ou équipés d’un décompteur, un système aujourd’hui absent en France. Nos signaux lumineux installés sur les traversées piétonnes n’ont en effet que deux positions : vert ou rouge. La période de rouge de dégagement, pendant laquelle les piétons sont autorisés à terminer une traversée déjà entamée, n’est pas différente du rouge piéton où il est interdit de s’engager. C’est pour remédier à cet enjeu de sécurité routière que le CEREMA mène actuellement une expérimentation impliquant les collectivités, les fabricants et les usagers. Les villes intéressées pour y participer peuvent encore déposer un dossier auprès de la DSR.

« Rouge de dégagement », incompréhensions et comportements dangereux

L’expression « rouge de dégagement » désigne la période où tous les feux d’un carrefour restent au rouge avant le démarrage d’un nouveau cycle. Cette phase a pour objectif de permettre aux piétons et véhicules de sortir de la zone des conflits en sécurité. La durée du rouge de dégagement est calculée de manière à ce que :

  • Un piéton puisse terminer sa traversée sur le passage piéton sans danger dès lors qu’il s’est engagé à la dernière seconde de vert ;
  • Un véhicule puisse dépasser le passage piéton en sortie du carrefour dès lors qu’il s’est engagé à la dernière seconde du jaune fixe.
Femme à l'arrêt avant la traversée

Les vitesses prises en compte pour le calcul de cette durée sont d’un mètre par seconde pour les piétons et de dix mètres par seconde pour les véhicules. Sur une traversée de 6 mètres, la durée du rouge de dégagement est donc de 6 secondes au minimum.

 

Bien qu’il représente un élément incontestable de sécurité routière, le rouge de dégagement pose des problèmes de compréhension vis-à-vis des usagers. N’avez-vous jamais eu un coup au cœur en voyant le petit bonhomme passer au rouge alors que vous étiez au beau milieu du passage piéton ? Imaginez l’angoisse que peut ressentir une personne âgée ou handicapée, incapable d’accélérer le pas, dans la même situation… Par ailleurs, de nombreux piétons, voyant les véhicules arrêtés sur toutes les branches du carrefour, s’engagent au rouge en pensant que la figurine va passer au vert alors que le redémarrage des véhicules est imminent. 

En résumé, le signal piéton rouge a deux significations contradictoires. Il interdit au piéton de s’engager sur la chaussée mais l’autorise à terminer sa traversée s’il l’a déjà commencée.

Du côté des automobilistes, la durée du rouge de dégagement est largement suffisante pour qu’ils aient le temps de traverser le carrefour sans avoir peur d’entrer en collision avec un véhicule en sens contraire. Cependant, des incompréhensions subsistent quant au comportement des piétons qu’ils voient traverser au rouge sans savoir que ceux-ci sont dans leur bon droit. 

COESTRA : un projet pour rendre identifiable le rouge de dégagement

Le CISR (Comité interministériel de la sécurité routière) a élevé en 2018 la protection des piétons au rang de ses priorités. De nombreux élus, techniciens et usagers se plaignent du fonctionnement des feux piétons R12 existants. En parallèle, des villes demandent l’évaluation d’un nouveau système de feu piéton permettant de distinguer la période de rouge de dégagement. Toutes ces raisons sont à l’origine du lancement du projet COESTRA (Conception et évaluation d’une nouvelle signalisation lumineuse pour les traversées piétonnes). Ce projet mené par le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) implique les collectivités, les fabricants de signalisation lumineuse tricolore et les usagers. Il a pour objectif d’évaluer un nouveau feu piéton qui permettrait d’identifier clairement la phase de rouge de dégagement.

Le projet a débuté en 2019 par une synthèse des expérimentations françaises depuis 1980 puis une étude des systèmes en place dans 53 pays étrangers. Plusieurs cas ont été observés :

  • Feu éteint entre la phase de vert et la phase de rouge (Royaume-Uni) ;
  • Passage au jaune entre la phase de vert et la phase de rouge (Irlande, Italie) ;
  • Feu vert clignotant (Royaume-Uni, Corée, Japon) ;
  • Feu rouge ou orange clignotant (Canada, USA, Australie).

Certains dispositifs suggèrent également le temps restant pour terminer sa traversée :

  • Feu vert clignotant de plus en plus vite (Pologne) ;
  • Décompteur de type « sablier » dont les barres s’éteignent petit à petit (Japon) ;
  • Feu vert animé qui court de plus en plus vite (Philippines, Taïwan) ;
  • Décompteur numérique égrenant les secondes.

Selon les pays, le décompteur numérique est utilisé pour indiquer le temps de vert restant, le temps de dégagement ou le temps de rouge restant. Les retours d’expérience montrent que ces différentes utilisations peuvent être sources de confusions.

Conclusion de l’analyse du CEREMA : dans la plupart des pays étudiés, la période de dégagement est clairement identifiée et les piétons reçoivent plus d’informations au feu par rapport à la France. 

Deux systèmes retenus pour l’expérimentation française

Cette première phase d’analyse a permis d’écarter certains systèmes comme le vert clignotant. Ce système existait en France avant 1991 mais n’a jamais prouvé son efficacité. Par ailleurs, selon le code de la route (article R412-38), le feu vert donne l’autorisation aux piétons de s’engager. Le signal serait donc contradictoire pendant la période de dégagement où les piétons ne sont autorisés qu’à terminer une traversée déjà entamée.

Le benchmark a cependant permis de confirmer l’intérêt d’un feu clignotant rouge ou jaune entre les deux phases, ainsi que d’un décompteur. Pour bien dissocier les apports des deux dispositifs, ils seront évalués séparément. 

Sept villes ont d’ores et déjà déposé un dossier pour participer à une expérimentation avec la DSR (Délégation à la sécurité routière) : Strasbourg, Rouen, Aix-en-Provence, Metz, Nancy, Lille et Versailles. Les villes de Nice, Lyon et Clermont-Ferrand pourraient bientôt les rejoindre. 

Passage piéton

L’expérimentation devrait se dérouler sur une période de deux ans. Elle a pour objectif d’évaluer la compréhension du dispositif par les usagers et le respect du signal, mais aussi tous les aspects techniques : gestion du feu clignotant par le contrôleur, alimentation, résolution des bugs lors des transitions entre les phases, impact de l’ajout d’une couleur pour les fabricants. Afin que les personnes aveugles et malvoyantes bénéficient également de l’information sur la période de dégagement, les fabricants de signalisation sonore, Phitech et Okeenea Tech sont également associés à l’expérimentation. Nous vous tiendrons informés dès que des résultats seront disponibles.

Publié le 25 août 2020

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !