Comment maintenir l’accessibilité aux piétons sur les chantiers urbains ?
Lorsque des chantiers impactent la voirie, la conception d’itinéraires accessibles est essentielle pour garantir à tous, personnes handicapées ou non, de circuler en toute sécurité. Si nos trottoirs sont adaptés à nos déplacements du quotidien, leurs modifications liées aux activités d’aménagement, ponctuelles ou de longue durée, engendrent de multiples nuisances et notamment la perturbation des itinéraires accessibles pour les piétons.
Parmi les piétons les plus touchées, les personnes handicapées.
Comment les entreprises de services publics peuvent effectuer en toute sécurité des travaux sur la voirie en prenant en compte les besoins des personnes les plus démunies dans leurs déplacement ?
En complément de la fiche éditée pour le Centre d’Etudes et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CEREMA) “Piétons et chantiers urbains” cet article fait le point sur les problèmes rencontrés, les obligations légales et les solutions éprouvées en terme d’accessibilité sur les chantiers dans nos villes.
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Les enjeux de la prise en compte de l’accessibilité des chantiers urbains
Qui est concerné ?
Les piétons les plus touchés par les modifications de l’espace urbain sont les personnes handicapées. Plusieurs types de handicap peuvent affecter la capacité d’un piéton à évoluer dans une zone de chantier en toute sécurité : le handicap auditif, visuel, moteur et mental.
Ces familles de handicap représentent environ 20% de la population française.
Quelles difficultés rencontrées ?
Les personnes ayant une déficience visuelle ont besoin d’un environnement physique exempt d’arêtes vives, de nivellement inégal et d’obstructions pouvant causer des risques de trébuchement ou de chute.
Parmi les difficultés auxquelles un piéton déficient visuel sera souvent confronté face à une zone de travaux figurent :
- Ne pas avoir connaissance de la zone de travaux jusqu’à ce qu’elle soit atteinte;
- Ne pas savoir si le trottoir est fermé ou si un passage sécurisé a été aménagé;
- Ne pas savoir s’il faut traverser la rue, continuer tout droit ou revenir sur ses pas et emprunter un autre itinéraire;
- Ne pas savoir si quelqu’un à proximité pourrait leur venir en aide;
- Ne pas savoir si la zone de chantier est libre de tout obstacles potentiellement dangereux.
Les personnes à mobilité réduite utilisent la plupart du temps une canne, des béquilles ou un fauteuil roulant. En raison de leurs problèmes de mobilité, elles ont généralement du mal à se déplacer dans des passages étroits, à effectuer des demi-tour, et à franchir les marches, raison pour laquelle l’installation de rampes est essentielle au maintien de l’accès.
Les piétons à mobilité réduite doivent également relever des défis importants en cas de chantier, notamment face à :
- Des rampes d’accès provisoires trop raides, vacillantes, dépourvues de garde-fou ou glissantes;
- Des passages ou manœuvres trop étroites pour les fauteuils roulants.
Les personnes sourdes quant à elles peuvent rencontrer des difficultés à :
- Entendre les signaux d’alerte éventuels;
- Communiquer avec les ouvriers;
- Conserver une bonne visibilité sur le trafic;
- Se concentrer du fait du volume sonore.
Quant aux personnes handicapées mentales ou psychiques, les difficultés peuvent être liées :
- Au manque de repères en cas d’itinéraires modifiés;
- A la difficulté à se repérer sur les plans éventuels détaillant les travaux;
- A la gestion du stress lié à la présence de travaux;
- A la difficulté à rejoindre l’itinéraire habituel et retrouver ses repères.
Chantiers urbains : quelles obligations réglementaires ?
La réglementation à suivre pour le maintien de l’accessibilité en phase chantier est la même que celle indiquée dans la réglementation générale, à savoir l’arrêté du 15 janvier 2007 modifié le 18 septembre 2012 qui précise les caractéristiques techniques auxquelles doivent satisfaire les aménagements, y compris en phase travaux (cheminements, ressauts, traversées piétonnes, équipements et mobiliers, etc.).
Tous les chantiers sont concernés par cette réglementation, qu’ils soient temporaires ou de longue durée.
Assurer la continuité des cheminements piétons
En cas de modification de la chaussée, la réglementation impose d’assurer une continuité accessible du passage destiné aux piétons en tenant compte des besoins de tous les usagers : personnes âgées, handicapées, enfants etc.
Le nouveau cheminement doit être installé en priorité du même côté de la chaussée quitte à occuper des espaces de stationnement et, en dernier recours, sur le trottoir d’en face.
Sont considérés accessibles à tous et donc conformes à la réglementation en vigueur, les cheminements respectant une largeur minimale de 1,40m, libres de tout obstacles. Dans le cas échéant, ces derniers doivent être franchissables en faible nivellement.
Mettre en place une signalisation temporaire adaptée
Pour faciliter la compréhension de la zone de travaux et des trajets bis à emprunter, une signalisation temporaire doit être installée.
La signalisation temporaire est régie par l’Instruction Interministérielle sur la Signalisation Routière (IISR), partie 8. Le texte réglementaire préconise trois solutions :
- la mise en place d’un panneau de signalisation KD21 de couleur jaune destiné aux piétons;
- l’utilisation d’une balise temporaire jaune posée au sol, comportant la figurine piéton et indiquant l’itinéraire alternatif proposé,
- avoir recours à un marquage au sol temporaire jaune.
Quelle solution d’accessibilité pour les personnes déficientes visuelles ?
Si ces signalisations temporaires jouent un rôle favorable dans l’accessibilité des chantiers urbains pour une large partie de la population, elles laissent pour compte 1,2 million de personnes déficientes visuelles. En effet, la signalisation temporaire classique ne permet pas d’alerter de la présence d’un chantier et des comportements à adopter en cas de troubles de la vision.
L’humain joue une rôle prépondérant dans ce cas précis. L’aide du personnel sur place peut apporter une réponse aux personnes en difficulté mais n’est pas entièrement satisfaisante pour assurer une sécurité constante et une pleine autonomie aux personnes déficientes visuelles.
La balise temporaire iBalise développée par la société Serfim est un dispositif sonore mobile qui informe du chemin à emprunter en cas de modifications sur la chaussée. Cette dernière se déclenche à distance grâce à la télécommande universelle normalisée utilisée notamment pour activer les messages des balises sonores permanentes et des feux sonores. La iBalise permet de faire évoluer le contenu et le volume des messages sonores offrant une solution d’accessibilité intéressante pour les usagers aveugles et malvoyants dont l’usage reste néanmoins à démocratiser.
L’open data : une solution d’accessibilité universelle
Vous êtes en poussette et vous souhaitez éviter une zone de travaux qui vous ferait traverser une rue à fort trafic ? Vous êtes en béquilles et vous préférez emprunter le chemin le plus court en prenant en compte des travaux sur votre chemin ? Nous sommes tous un jour susceptibles d’être face à une situation de réduction temporaire de notre mobilité. Il devient alors essentiel de pouvoir planifier son trajet en amont pour parer à d’éventuelles difficultés.
Les données collectées sont vitales au 20% de la population en situation de handicap permanente et utiles à 100% de la population.
Pour répondre à ce défi d’accessibilité universelle, la ville d’Angers a proposé en 2017 une application mobile “Angers Info-Travaux” visant à alerter ses citoyens de toutes modifications d’itinéraires routiers et piétonniers. En rentrant leur adresse de destination, les usagers sont informés par le biais d’alertes personnalisées de toutes modifications d’itinéraire. A l’instar de la ville d’Angers, Streetco – un GPS collaboratif destiné aux piétons – permet de renseigner la présence d’obstacles temporaires.
Dans le cadre du projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), le gouvernement propose de collecter de manière systématique les informations relatives à certains itinéraires piétonniers. Cette initiative permettrait de faire la part belle aux applications de mobilité en vue de proposer des cheminements sur mesure aux personnes les plus démunies et bénéficiant à tous.
L’application mobile est un support le plus souvent gratuit au potentiel fort et à portée de tous.
Mais un nouveau support vient bouleverser cet équilibre. La ville de New York est actuellement en train de tester pour la première fois un feu sonore 3ème génération sur un carrefour du centre ville. Fixés aux mâts des intersections, ces équipements pourront à terme transmettre des informations au format sonore sur l’état de la voirie et des modifications d’itinéraires en cas de chantiers.
Si les tests se voient être concluant, la perspective de collecte des données et leur transmission en temps réel aux usagers notamment aux personnes aveugles et malvoyantes apporte une solution d’accessibilité urbaine très prometteuse. Affaire à suivre…
Publié le 25 novembre 2019