La surdité dans tous ses états par le CEREMA – 2ème partie

La surdité dans tous ses états par le CEREMA – 2ème partie

Après une première partie consacrée aux chiffres de la déficience auditive en France et aux besoins des personnes concernées, nous revenons sur la journée organisée le 5 avril dernier par le CEREMA. Au sommaire de cette deuxième partie : les solutions techniques et humaines et leur mise en pratique, avec l’exemple de la ville de Toulouse !

L’interprétation en langues des signes (LSF)

Pour débuter cette table ronde sur les solutions d’accessibilité pour les personnes sourdes ou malentendantes, la parole a été donnée à deux prestataires de cette journée : Ex Aequo et Le Messageur.

C’est Pascaline Michel, du cabinet d’interprétation lyonnais Ex AEQUO qui a ouvert le bal en présentant un métier encore bien mal connu, le métier d’interprète français – langue des signes.
La langue des signes est une langue à part entière. Traduire en langue des signes s’apparente donc à traduire dans n’importe quelle autre langue étrangère. Ainsi, les interprètes en langue des signes respectent le même code de déontologie, avec 3 piliers centraux : la neutralité, la fidélité et le secret professionnel.
L’interprète en langue des signes peut intervenir en tous lieux et pour n’importe quelle situation de la vie : consultations médicales, rendez-vous administratifs, événements familiaux, etc. Dans le cadre de réunions ou conférences, les interprètes doivent se relayer environ toutes les 15 minutes pour garder leur concentration intacte tout au long de l’événement, ce qui justifie qu’ils soient toujours au moins deux.
Les interprètes sont de plus en plus demandés. Parallèlement, la profession se structure et, contrairement aux idées reçues, il n’est pas rare de pouvoir obtenir une prestation en dernière minute.

La transcription écrite

Pour Gaëtan Hervé, de la société Le Messageur, « l’accessibilité commence par soi-même, par sa propre ouverture à la communication. » Le Messageur est spécialisé dans la transcription écrite pour favoriser la participation sociale et professionnelle des sourds, malentendants ou devenus sourds. Cette prestation trouve toute sa place dans de nombreux contextes allant de la conférence ou la réunion de travail à la simple conversation téléphonique. Elle permet une meilleure accessibilité à l’information par le biais de l’écrit.

Après ces deux présentations consacrées aux aides humaines à la communication, la table ronde s’est poursuivie sur les questions d’architecture et d’aménagement des espaces.

Une architecture adaptée aux sourds ?

Le contexte social des cheminots ce 5 avril dernier nous a malheureusement privés de la présence de l’architecte belge Laurent Duquesne de l’association Passe-Muraille. Pour compenser, nous avons eu droit à la projection d’un extrait du reportage « Une architecture pour tous les sens » diffusé sur France5 dans l’émission L’œil et la main.
Laurent Duquesne a mené une réflexion sur une architecture du logement accessible aux personnes sourdes : L’architecture doit-elle s’adapter aux sourds ? Existe-t-il une architecture adaptée aux sourds ? Qu’attendent les sourds de leur espace vital ?
Pour répondre à ces préoccupations, 5 éléments essentiels sont à prendre en compte :

  1. L’espace,
  2. La lumière,
  3. L’orientation spatiale,
  4. La mobilité et la sécurité,
  5. L’acoustique et les vibrations.

Pour donner quelques exemples, l’espace de communication doit être très ouvert pour permettre la lecture labiale et la conversation en langue des signes à distance. Il faut aussi privilégier la lumière naturelle, en évitant les reflets, les éblouissements ou les contrejours. Une répartition des espaces claire et visible améliore l’orientation, la communication et la sécurité des infrastructures. Les ascenseurs vitrés sont très appréciés par les sourds pour la sécurité et la communication en cas de panne. Des matériaux absorbants favorisent l’acoustique et donc la compréhension de la parole.

boucle magnétiqueLes boucles à induction magnétique

Après cette présentation sur l’architecture, c’est Marc Beaufils de la société Electro Acoustique Consultant qui a pris la suite pour évoquer la question épineuse des boucles à induction magnétique.

Nous avons déjà publié de nombreux articles à ce sujet sur notre webzine, comme celui-ci : A quoi sert une boucle à induction magnétique ?

Pour rappel, ce dispositif s’adresse aux personnes malentendantes équipées d’une aide auditive avec la commutation T. La boucle à induction magnétique permet de transmettre un message de haute qualité affranchi du bruit ambiant. Malheureusement, selon les dires des personnes malentendantes, 80% des boucles à induction magnétique de salles fonctionnent mal. Et c’est bien souvent dû au manque de connaissances de l’installateur. Il existe bien une norme, la EN 60118‑4, mais celle-ci ne porte que sur la qualité du résultat. Il faut donc que ce résultat soit validé par un utilisateur ou à l’aide d’un casque récepteur de boucle.

Les avantages de la boucle à induction magnétique (BIM) sont nombreux :

  • Un son de haute-fidélité sans aucune déformation,
  • Aucune restriction de mouvement dans la zone couverte,
  • Un système non discriminatoire, sans aucune gestion de matériel puisque la personne malentendante a le récepteur sur elle,
  • La possibilité de fournir des récepteurs pour les personnes non équipées d’aides auditives et
  • La possibilité d’équiper tous les lieux sans exception.

Mais c’est aussi un système sensible à toute « pollution magnétique ». La présence de câbles à haute tension ou transformateurs peut notamment brouiller le signal.

Contrairement à une idée très répandue, passer un fil autour d’une salle ne suffit pas. Il faut tenir compte des dimensions et de la forme des zones à couvrir. Il faut savoir que le rayonnement d’une boucle magnétique dépasse largement son périmètre. Il existe donc des risques de manque de confidentialité ou d’interférences avec d’autres boucles situées à proximité.
Voilà pourquoi d’autres systèmes ont été développés, hors boucles périmétriques : des boucles en 8 à 2 ou plusieurs spires pour compenser les effets du métal, des systèmes phasés en épingles ou systèmes phasés en épingles à faible débordement pour améliorer la confidentialité. Par ailleurs, les systèmes radio représentent une alternative intéressante dans certains cas.

A noter : les boucles à induction magnétique de comptoir, aussi appelées kits guichet, ne posent aucun problème de transmission du son du moment qu’elles ne sont pas posées sur une structure métallique.

Améliorer l’acoustique aux accueils des ERP

L’installation d’une boucle à induction magnétique à l’accueil d’un établissement recevant du public (ERP) améliore certes la communication avec les personnes appareillées. Mais avant toute chose, il est important de soigner l’acoustique de ces espaces ! N’importe qui peut se trouver en situation de mal entendre lorsque l’environnement est bruyant et que la pièce résonne.

« Améliorer l’acoustique aux accueils des établissements recevant du public » était le thème de la présentation de Xavier Olny du CEREMA. Partons d’un constat : L’exigence d’un environnement acoustique de qualité nous concerne tous, elle est simplement exacerbée pour les personnes ayant une déficience auditive.
Les besoins sont les mêmes pour tous : besoins d’intelligibilité et de confidentialité. Il est donc nécessaire de travailler sur les aménagements acoustiques et l’absorption des sons. Les grands volumes sont les plus difficiles à traiter pour les acousticiens, car ils sont très réverbérants.

Toulouse, un bel exemple à suivre !

Toulouse, accessibilitéAprès l’exposition des solutions techniques et humaines, l’heure était à la mise en pratique. Et c’est la ville de Toulouse qui est venue présenter sa politique en matière d’accessibilité pour les personnes ayant une déficience auditive, représentée par Maxime Arcal et Jérémy Martinat.

Jérémy Martinat a d’abord travaillé comme médiateur dans un musée de la ville avant de rejoindre l’administration municipale. Sourd lui-même, il est un excellent passeur avec la communauté sourde. Historiquement, cette communauté est très implantée à Toulouse grâce à la présence d’une école bilingue français-LSF et d’une formation d’interprètes. Parmi les actions mises en place par la ville, on peut citer :

  • Les efforts particuliers pour la participation des sourds à la Commission Communale d’Accessibilité aux Personnes Handicapées (CCAPH) et à ses groupes de travail : communication du calendrier et réservations des interprètes bien en amont des réunions.
  • La mise en place de kits auditifs d’accueil dans 140 ERP municipaux : Partant du constat que 90% des personnes malentendantes n’étaient pas appareillées, la ville a sélectionné un produit polyvalent, muni d’un casque audio en plus du collier magnétique. Le fait que le dispositif choisi soit le même partout facilite son appropriation aussi bien par les usagers que par les agents d’accueil.
  • L’installation d’une boucle à induction magnétique dans la salle du Conseil Municipal et au Stadium où toutes les tribunes sont couvertes (pas de zone spécifiquement réservée) ;
  • L’amplification de concerts publics avec le système Twavox;
  • La mise en place du service Toulouse Connect, qui permet de communiquer avec les services municipaux en LSF ou par transcription écrite ;
  • La traduction en LSF des séances du Conseil Municipal, retransmises sur le site web de la ville ;
  • Des visites adaptées au Musée des Augustins et Musée d’Histoire Naturelle ;
  • Le repérage des stations de métro par des pictogrammes;
  • Et encore bien d’autres initiatives !

Cette journée d’échanges s’est poursuivie par deux autres tables rondes sur la sécurité et l’apport des nouvelles technologies dans la ville intelligente. Nous vous donnons rendez-vous pour leur synthèse dans un prochain article !

Mis en ligne le 24 avril 2018

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !