Série noire pour une canne blanche | Episode 1 : Le RER

Ah, les joies des transports en commun ! Pour moi qui suis non-voyante, les transports en commun sont avant tout synonymes de liberté. Mais quand les choses se dérèglent, ça peut vite se transformer en cauchemar. Un cauchemar d’autant plus terrifiant quand on se retrouve perdue dans une petite gare de banlieue le soir à 23 heures avec pour seule compagnie un homme avec qui il est quasi impossible de communiquer.
Attention, ce premier épisode de « Série noire pour une canne blanche » n’est pas une diatribe contre la RATP et ses agents mais simplement le récit des conséquences fâcheuses d’un manque d’informations accessibles.

Tout a commencé lors d’un simple trajet…

C’était au printemps. Une amie parisienne m’avait invitée à passer le week-end chez elle. Parisienne, pas exactement. Elle habitait la coquette ville d’Orsay dans l’Essonne. Elle m’avait expliqué le trajet avec précision.

De la gare de Lyon, je devais prendre le RER A jusqu’à Châtelet – Les Halles, puis le RER B, direction Saint-Rémy-lès-Chevreuse pour descendre à Orsay.

Pour la provinciale que je suis, ayant grandi bien loin du tumulte des grandes villes dans un paisible petit village de montagne, la capitale est toujours un peu impressionnante. Pourtant, il y règne un tel brassage de populations que je suis sûre de toujours trouver de l’aide dans les moments difficiles. Me voilà donc partie, un vendredi soir, chargée de mon gros sac à dos.

Au début, tout va pour le mieux. Je suis attendue en gare de Lyon par un membre du personnel d’assistance SNCF. Celui-ci m’accompagne jusqu’au guichet de la RATP où j’achète mon ticket. Je bénéficie même d’une aide pour me rendre sur le quai.

Arrivée à Châtelet, les choses se gâtent. J’apprends que, en raison d’une manifestation dans les rues de Paris, le RER B est interrompu sur une grande partie de la ligne. Je suis désemparée. Mais à Paris, on n’est jamais seul ! Bien vite, une femme pleine d’entrain m’aborde avec bienveillance. Il se trouve qu’elle devait aller dans la même direction et, experte qu’elle est des transports parisiens, elle me suggère immédiatement une solution. Nous allons prendre la ligne 4 jusqu’à son terminus Porte d’Orléans. Là, elle devra me laisser pour aller travailler. Elle va faire le ménage dans une grande entreprise, la nuit, pendant que les employés dorment bien au chaud chez eux. Elle m’indique que je devrai prendre le bus 96 jusqu’à Bourg-la-Reine où je retrouverai mon RER vers Orsay.

En la quittant, je me confonds en remerciements auprès de cette femme qui a su, en quelques instants, me trouver une solution tout à fait opérationnelle.

Tout aurait dû bien continuer. Dommage que le personnel de la RATP soit moins bien renseigné que ses usagers !

Une fois dans le bus, la conductrice me recommande de descendre à Bagneux plutôt qu’à Bourg-la-Reine pour récupérer le RER. Elle m’indique que la correspondance sera plus facile et je lui en suis reconnaissante.

Episode-1_LeRER_visuel

Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions !

A ma descente du bus, un monsieur m’offre son aide pour aller jusqu’à la station de RER. Je vous disais bien qu’à Paris, on n’est jamais seul ! Il m’accompagne sur le quai et insiste pour attendre avec moi. La conversation est difficile. Il parle très peu français, et encore, avec un très fort accent qui déforme les mots. J’arrive à comprendre qu’il est égyptien. Les trains passent mais aucun ne semble poursuivre jusqu’à Saint-Rémy. Nous attendons… patiemment… Un train, deux trains, trois, quatre… J’essaie d’appeler mon amie pour qu’elle me renseigne sur les autres possibilités mais mes appels aboutissent immanquablement sur sa messagerie.

Mon compagnon d’infortune essaie de comprendre les tableaux d’affichage. Sans succès. Je pense que j’ai de la chance d’avoir rencontré quelqu’un d’honnête, bienveillant et fiable, car je suis seule avec lui sur le quai depuis un bon moment. Il faut dire qu’il y a plusieurs quais et il semble que nous n’ayons pas choisi le bon.

Mon « sauveur » finit par se décider à aller chercher de l’aide. Il me demande de l’attendre et revient quelques instants plus tard avec la solution. La conductrice du bus m’a tout simplement mal renseignée : aucun des RER en direction de Saint-Rémy-lès-Chevreuse ne s’arrête à Bagneux. Il faut prendre le premier train pour Bourg-la-Reine, où, cette fois, je pourrai poursuivre dans la bonne direction. Moralité : si j’avais simplement suivi les conseils de ma charmante femme de ménage du métro, mon trajet aurait été bien plus facile, sécurisant et direct !

Résultat : le voyage de Paris à Orsay (32 km) m’a pris deux fois plus de temps que le voyage de Lyon à Paris (470 km).

 

D’où l’importance d’une information voyageurs accessible, même en cas de perturbations !

Cette mésaventure date déjà de quelques années. Si les mêmes circonstances se reproduisaient aujourd’hui, je m’en sortirais certainement beaucoup mieux. Ce qui a changé ? Toutes les applications dédiées aux transports que j’ai installées sur mon fidèle iPhone. Je sais, c’est mal de citer des marques, mais quand même, il faut bien reconnaitre que l’accessibilité des appareils de la célèbre pomme est exemplaire. Que ferais-je désormais sans Moovit, Google Map, Transit et autres merveilles ? Oui, je l’avoue, je suis devenue accro… Grâce à ces applications, à condition quand même d’avoir de la batterie et du réseau, je ne suis plus jamais perdue nulle part ! Enfin presque, car une fois que j’ai l’information, même si je sais où aller, il faut quand même que je trouve une âme charitable pour me lire la signalétique et éventuellement me guider sur un petit bout de chemin.

Je sais que de nombreux réseaux de transports en commun réfléchissent aux moyens de mettre à disposition l’information voyageur en temps réel pour toutes les personnes, qu’elles parlent une autre langue, qu’elles soient déficientes visuelles ou auditives. Comme la plupart des usagers, je suppose, j’attends beaucoup de ces travaux !

Je ferais simplement 3 mises en garde :

  1. L’information mise à disposition doit être mise à jour en temps réel ;
  2. Les moyens d’accès à cette information doivent être connus des usagers, ce qui implique une communication très large ;
  3. Les outils doivent être adaptés au public auquel ils s’adressent. Je ne citerais pas de noms mais je connais malheureusement plusieurs applications dédiées à l’accessibilité qui ne sont pas accessibles ! A savoir, pas compatibles avec le lecteur d’écran de l’iPhone, VoiceOver. C’est dommage !

Enfin, je dirais que, on a beau mettre à disposition tous les outils possibles et imaginables, qu’ils soient high-tech ou low-tech, la présence humaine reste indispensable et il ne faut pas négliger la formation de la dite présence !

 

Et vous, quels sont vos trucs pour survivre à la jungle des transports urbains ? Avez-vous des anecdotes à raconter ? N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et suggestions à l’adresse lise@okeenea.com !

Mis en ligne le 31 octobre 2017

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !