Série noire pour une canne blanche | Episode 5 : Seule à l’hôtel

Dormir à l’hôtel, que ce soit pendant un grand voyage à l’autre bout du monde ou lors d’un déplacement professionnel à 200 kilomètres de chez moi, c’est toujours une aventure. Une aventure qui ressemble parfois à un redoutable escape game avec son lot d’énigmes à résoudre, d’objets à trouver, d’accès ou d’issues à déceler…

Suite du récit périlleux après la vidéo…

A la recherche de la porte d’entrée de l’hôtel

C’est toujours par là que ça commence. Je suis habituée à me déplacer seule, y compris dans des lieux que je ne connais pas. Comme mes yeux ne me sont d’aucun secours, j’use et j’abuse des applications smartphone dédiées au déplacement : GPS, calculateurs d’itinéraires en transports en commun. Ceci me permet de m’approcher de ma destination mais rarement de l’atteindre. Car trouver précisément une porte quand la précision du GPS est d’une dizaine de mètres, ça n’a rien d’évident. C’est alors que la bonne vieille technique du « stop piéton » s’impose. Cette technique, très basique au demeurant, consiste à se poster sur le trottoir et à guetter du coin de l’oreille tous les bruits de pas qui approchent. Quand on juge ces bruits à bonne distance, c’est le moment de lancer une phrase courte et efficace du style : « S’il vous plait, pouvez-vous m’aider à trouver la porte de l’hôtel… ? »

La technique est simple mais son efficacité est très aléatoire. Il y a ceux qui fuient : « Cool, elle ne me voit pas, je peux filer incognito. » Ceux qui restent plongés dans la consultation de leur écran de téléphone. Ceux qui s’excusent par quelques mots en langue étrangère. Ceux qui accélèrent le pas en lançant un « je n’ai pas le temps ! » Ceux qui marquent un temps d’arrêt pour jeter un « c’est juste là » très certainement accompagné d’un geste que je ne vois pas. Ceux qui daignent s’arrêter mais annoncent d’un ton désolé : « Je ne vais pas pouvoir vous aider, je ne suis pas d’ici. » Pour ces derniers, heureusement, je n’ai en général qu’à préciser que je ne sollicite pas leur connaissance du quartier mais simplement leurs jolies mirettes, qui, sans aucun doute, sont plus performantes que les miennes.
Il y a aussi, et je leur voue une gratitude éternelle, ceux qui accourent et s’empressent de me proposer leur aide. Cette aide est encore plus appréciable lorsque la porte du dit hôtel est protégée par un interphone ou un digicode.

Le mystère de la réception de l’hôtel

Une fois la première épreuve réussie, il s’agit de trouver une présence humaine. Généralement, les choses sont bien faites et le comptoir de la réception se trouve très proche de l’entrée. Et si le personnel est accueillant, il salue chaque nouvel arrivant d’un « bonjour » sonore qui fonctionne pour moi tel un phare dans la nuit. Je peux alors me diriger vers cette présence bienfaisante pour effectuer toutes les formalités d’usage et, bien souvent, obtenir de l’aide pour me rendre jusqu’à ma chambre et me familiariser avec les lieux. Evidemment, lorsque la réception est éloignée de la porte, que le personnel est momentanément absent ou qu’il est atteint de mutisme, je dois alors me livrer à un véritable jeu de piste.

L’énigme des ascenseurs

Lorsque j’ai le choix entre un escalier ou un ascenseur, je choisis toujours le premier. En plus de participer à ma forme physique, prendre l’escalier me permet de conserver la maîtrise de l’espace. En montant par l’escalier, je sais à coup sûr à quel étage je m’arrête, ce qui est rarement le cas avec les mystérieuses cabines montées sur câble électrique. Une fois enfermée dedans, le défi consiste à trouver le bouton qui me mènera à l’étage désiré. D’abord trouver le panneau de commande, à droite, à gauche, en haut, en bas, sur une ou deux colonnes… Ensuite, trouver le bon bouton parmi les autres. Et si les chiffres ne sont pas en relief, c’est un jeu de hasard. Et comme tout jeu de hasard, on a plus de chances de perdre que de gagner. Ce jeu a en plus l’originalité de ne pas donner le résultat tout de suite ! Alors, une fois que la cabine s’ouvre sur un palier, comment savoir si c’est le bon ? A moins qu’une voix de synthèse l’annonce comme c’est heureusement le cas dans les nouveaux ascenseurs aux normes d’accessibilité, on ne peut s’apercevoir de l’erreur qu’une fois qu’on est bien enlisé dedans, après avoir vainement essayé pendant un quart d’heure d’ouvrir la mauvaise chambre par exemple.

Couloir d'hôtel non accessible

Le secret des couloirs d’hôtel

Un palier, un couloir de part et d’autre, des portes de chaque côté, toutes semblables… La même poignée, la même serrure avec son lecteur de carte, la même petite plaque vissée en plein centre du battant… Comment les différencier lorsque la seule indication est un numéro sans aucun relief perceptible au toucher ?
Là, je sais que j’ai intérêt à bien avoir mémorisé l’emplacement de ma chambre lorsque le réceptionniste me l’a montré la première fois. J’ai intérêt à bien avoir compté les portes, bien identifié les éventuels repères sur le parcours : une porte coupe-feu, un extincteur, un placard… Sinon, soit je prends le risque de terroriser un autre client de l’hôtel en m’acharnant sur sa porte, soit j’erre désespérément dans les couloirs en attendant qu’une âme charitable vienne à la rescousse.

L’épreuve de la carte magique

Je regrette le temps où on me remettait à la réception une bonne vieille clé qu’il suffisait d’introduire dans la serrure de ma chambre pour l’ouvrir. Aujourd’hui, le plus souvent, on a droit à une simple carte magnétique sans aucun relief ni aucune indication pour le sens d’insertion dans le lecteur. Une fois localisée la porte de la chambre, il s’agit de trouver la fente du lecteur et débuter les essais. Le tout, c’est d’être méthodique. Il y a quatre sens possibles. Reste à savoir si la poignée est à actionner avant ou après le retrait de la carte, ce qui fait donc, si vous me suivez toujours, non pas quatre mais huit possibilités. Ne pas en oublier une seule, sinon, tout est à recommencer !

Nous voilà maintenant sur le seuil de la chambre. Permettez-moi ici de faire une pause pour reprendre de l’énergie avant la suite, car l’aventure de cette nuit d’hôtel réserve encore bien des épreuves et des défis. Vous les découvrirez dans le prochain épisode !

Mis en ligne le 3 janvier 2018

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !