Série noire pour une canne blanche | Episode 4 : Les diaboliques souffleuses de feuilles mortes

L’automne, c’est le moment que les feuilles des arbres choisissent immanquablement pour tomber. Au grand désespoir des agents des espaces verts, qui, pour contrer ce pénible fléau périodique, n’ont rien trouvé de mieux que de s’armer de machines du diable. Oui, parfaitement, du diable. Car outre le fait que les souffleuses à feuilles consomment du carburant, polluent l’atmosphère, dégagent des nuages de poussière, participent à l’appauvrissement des sols et compromettent fortement la survie de la faune, elles font un boucan d’enfer ! Et pour moi qui vois essentiellement avec les oreilles, quand il y a trop de bruit, je ne vois plus rien.

En toute franchise, je n’aime pas beaucoup l’automne : le froid qui s’installe, la pluie qui tombe, les jours qui raccourcissent, les gens qui se renferment…, tout ça a de quoi donner le bourdon, vous serez certainement nombreux à partager mon avis. J’entends bien sûr parler des magnifiques couleurs des arbres mais comme je ne peux en profiter que par procuration, ça ne rattrape pas le reste. Les feuilles d’automne, c’est quand elles sont par terre que je sais qu’elles sont là. Certes, j’adore entendre leur froissement sous mes pas et sentir l’odeur de l’humus quand je me balade en forêt. Mais en ville, elles font disparaitre la plupart des repères que j’utilise habituellement. Sous un tapis de feuilles, plus de bandes podotactiles, plus de différences entre un asphalte lisse et des pavés… Même les petits dénivelés disparaissent. Et puis, garder une bonne technique de déplacement lorsque votre canne blanche emmène avec elle un bon paquet collant à chaque balayage, ça n’a rien d’évident, je vous l’assure !feuilles mortes

Mais le remède est parfois pire que le mal !

Ainsi, pour remédier à la terrible invasion de ces maudites feuilles dans nos rues, nos parcs et nos jardins, des fabricants à l’imagination on ne peut plus fertile ont trouvé une solution démoniaque. Les souffleuses à feuilles ne sont rien d’autre que des machines à faire du vent. Du vent pour projeter toutes les feuilles dans une même direction afin d’en faire un tas que les agents des espaces verts pourront éventuellement récolter plus tard avec un aspirateur. Eventuellement, oui, car les tas sont parfois oubliés. Il m’est souvent arrivé d’éviter de justesse une belle chute dans l’un de ces matelas de fortune abandonnés sur les trottoirs. Abandonnés jusqu’à ce qu’un bon coup de vent, un vrai cette fois, vienne défaire ce bel ordonnancement et rendre inutile le travail accompli…

Mais parmi toutes les nuisances de cet engin satanique, ce que je redoute le plus, c’est son bruit ! Ce bruit qui recouvre tous les autres. Impossible de retrouver mes repères, impossible d’analyser les flux de circulation, impossible de savoir si quelqu’un s’adresse à moi… Je n’ai qu’une envie : m’arrêter sur place et attendre que ça passe. Mieux vaut que je sois à ce moment-là sur un espace protégé et non au beau milieu de la rue.

Vous l’aurez compris, je milite pour un retour au bon vieux râteau et à son copain le balai. En plus, il est bien plus facile de demander un renseignement ou un coup de main à un agent qui ratisse plutôt qu’à un qui manipule une machine qui émet plus de 80 décibels ! Le vent des souffleuses emporte avec lui le lien social qui nous unit…

Bien sûr, les engins de nettoyage des rues et des trottoirs sont tout aussi concernés. De même que les marteaux-piqueurs, les compresseurs ou les nettoyeurs à haute pression. Mais si certains d’entre eux sont des maux nécessaires, les souffleuses à feuilles, elles, peuvent être avantageusement remplacées !

Mis en ligne le 15 décembre 2017

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !