Questions à Armelle, malentendante – Première partie

Depuis la création de ce webzine, nous avons déjà consacré plusieurs articles à l’accessibilité aux personnes malentendantes. Cette semaine, nous avons le plaisir d’accueillir Armelle du blog Entendre l’essentiel qui nous parle de son quotidien. Qui mieux qu’une personne qui vit les choses de l’intérieur peut nous les faire comprendre ?

Bonjour Armelle, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas ?

Portrait d'Armelle, malentendante
Portrait d’Armelle, malentendante

Eh bien, je suis actuellement traductrice indépendante. Je fais des traductions de documents d’affaires, sites internet, articles, etc. entre l’anglais et le français principalement. À côté de cela, j’ai de multiples projets, dont mon blog (www.entendrelessentiel.com) fait partie.

Je suis vraiment malentendante depuis mes 28 ans. On avait déjà diagnostiqué une très faible perte auditive quand j’avais 12 ans. Une faiblesse génétique, m’a-t-on dit à l’époque. J’étais très peu gênée, j’ai donc fait de la musique, des langues, et un parcours scolaire normal dans un milieu entendant.

A 28 ans, je suis passée de 10% à 30% de perte auditive. C’est l’année où je n’ai plus entendu les moustiques. Je suis restée dans le déni pendant 2 ans avant d’accepter de me faire appareiller.

Quelques années plus tard, je suis passée à 50% de perte. Pour l’instant, ça a l’air de s’être stabilisé là, mais je ne sais pas si ou quand une nouvelle perte plus importante surviendra. C’est un peu une épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête, de mes oreilles pour être exacte.

En tant que personne malentendante, quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez dans votre quotidien ?

Ce sont surtout des difficultés de communication. Si la personne qui me parle est face à moi, assez près de moi, si elle parle en articulant correctement, ni trop fort ni trop doucement, le visage éclairé, et qu’il n’y a pas trop de bruit autour, alors ça va plutôt bien.

Mais quand la personne est en contre-jour, qu’elle parle en se cachant la bouche, qu’elle parle le dos tourné ou depuis une autre pièce, si elle parle en mangeant ou qu’il y a du bruit, alors c’est beaucoup plus difficile.

Les situations de groupes sont généralement très problématiques. Le bruit, les personnes qui s’interrompent, les conversations qui se croisent, les gens qui sautent du coq à l’âne…, tout cela peut transformer une réunion professionnelle ou même un café entre amis en véritable cauchemar.

J’évite aussi le téléphone car j’ai du mal à le faire fonctionner avec mes appareils. En les enlevant et en utilisant le kit main-libre, j’arrive à passer un coup de fil rapide, par exemple pour prendre rendez-vous. Sinon, je communique par mail, par Skype avec vidéo, par messenger, par SMS, ou alors je me déplace.

Aller au cinéma, au théâtre ou simplement regarder la télévision est aussi devenu très pénible. Pour limiter la frustration, je privilégie les films sous-titrés ou les spectacles sans paroles.

Ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c’est qu’à force de devoir me concentrer toute la journée pour comprendre les gens et les situations, je me fatigue aussi très vite, surtout quand il y a du bruit. Je ne tiens d’ailleurs pas longtemps en milieu bruyant.

En général, que pensez-vous de l’accessibilité dans les lieux publics pour les personnes ayant un handicap auditif ?

Cela varie beaucoup d’un endroit à l’autre. Dans les administrations, comme j’ai affaire à une seule personne à la fois, en général, je n’ai pas trop besoin d’aide. Si j’ai du mal à comprendre ce qui est dit, j’explique que je suis malentendante, la personne fait un effort et ça va.

Pour les loisirs, si je prends l’exemple des cinémas, beaucoup ne sont encore pas du tout équipés pour les malentendants. Je ne peux alors aller voir que les films en VO, les seuls à être sous-titrés. Parfois, il y a un passage en français au milieu du film et les sous-titres disparaissent. Du coup, je ne peux pas comprendre ce qui se passe, c’est très frustrant ! De même quand j’accompagne un enfant voir un dessin animé, il n’y a pas de sous-titres et comme c’est de l’animation, je ne peux pas non plus lire sur les lèvres des personnages. Difficile de suivre l’histoire.

Au théâtre, il y a parfois des spectacles spécialement conçus ou doublés en langue des signes. Mais pour moi qui ne la parle pas, ce n’est pas accessible. Le théâtre dans ma ville s’est équipé de systèmes avec des casques pour permettre aux malentendants d’augmenter le son, et je pense que c’est vraiment une bonne idée, même si je n’ai pas encore eu l’occasion de tester.

Les cours de sport en groupe posent aussi problème. Si l’acoustique est bonne et en me mettant bien devant, j’arrive assez bien à suivre. J’ai trouvé un cours de yoga où j’entends très bien la prof. Pour mon cours de qi gong, c’est plus compliqué. J’observe très attentivement les mouvements et je demande au prof à la fin du cours ce que je n’ai pas compris. J’ai testé un système de micro déporté qu’il pince sur son col et ça améliore bien les choses. En résumé, je teste, j’explique ce dont j’ai besoin et on essaie ensemble de trouver des solutions. Quand les gens sont de bonne volonté, ça se passe généralement très bien !

Nous retrouverons Armelle dans un prochain article. Elle nous donnera plus particulièrement son avis sur les solutions existantes qui facilitent la vie des personnes malentendantes dans les lieux publics.

 

Mis en ligne le 6 avril 2016

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Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !