Quelles initiatives d’accessibilité pour la voirie et les espaces publics ? Focus sur le guidage des déficients visuels (2ème partie)
Mis à jour le 07/11/2017
Le 16 octobre dernier se tenait à Paris La Défense le colloque « Recherche & Accessibilité : des applications pratiques en voirie et espaces publics » organisé par la Direction Ministérielle à l’Accessibilité (DMA). Nous avons abordé dans notre article précédent « Quelles initiatives pour l’accessibilité de la voirie et les espaces publics ? (1ère partie) » les principales problématiques d’accessibilité et évoqué le cas de Dunkerque. Aujourd’hui nous vous proposons un résumé des échanges sur le guidage des personnes déficientes visuelles.
Le guidage des personnes aveugles et malvoyantes au centre des préoccupations sur la voirie et les espaces publics !
La question des trottoirs traversants
Même à Dunkerque où la concertation a été exemplaire, les personnes déficientes visuelles se sont plaintes de la perte de leurs repères habituels sur la nouvelle rue Ronarc’h. En cause : les trottoirs traversants. Pourtant, ce type d’aménagement a pour objectif de pacifier la circulation en ville en protégeant les usagers les plus vulnérables. Contrairement aux aménagements les plus classiques où le trottoir est interrompu par un passage piéton à chaque intersection avec une voie de circulation, dans le cas d’un trottoir traversant, celui-ci reste continu, obligeant ainsi les automobilistes à ralentir avant de le franchir. Mais, en l’absence de dénivelé entre le trottoir et la chaussée et sans bandes d’éveil de vigilance, les personnes déficientes visuelles éprouvent de grandes difficultés à savoir à quel moment elles croisent une voie de circulation. Elles associent souvent la rupture du cadre bâti à la présence d’une cour, entrée de résidence ou parking. Et même les chiens guides sont totalement perdus ! Ceci engendre à la fois un sentiment d’insécurité et des difficultés à s’orienter. En effet, compter le nombre de rues à traverser pour se rendre d’un point A à un point B fait partie des techniques habituelles de locomotion utilisées par les personnes aveugles ou malvoyantes.
En réponse à ce problème, la Communauté Urbaine de Dunkerque Grand Littoral expérimente la pose de bandes d’éveil de vigilance non contrastées visuellement aux intersections. Pourquoi pas de contraste ? Pour ne surtout pas signifier aux automobilistes qu’ils pourraient avoir la priorité sur les piétons ! Mais le contraste tactile, lui, est bien présent pour les piétons déficients visuels.
En réaction à cet exposé, Marc Courbot a exprimé ses craintes quant à la création de règles extrêmement complexes à suivre pour les techniciens en charge de la voirie. Pourquoi des bandes d’éveil de vigilance contrastées à certains endroits et pas à d’autres ? Pas facile de faire comprendre tout cela aux non spécialistes. Attention à ne pas créer un espace urbain trop sophistiqué !
Des « tapis traversants » pour les traversées piétonnes
Autre problématique de guidage : l’orientation sur les traversées de rues complexes. Marion Ailloud, chargée de mission accessibilité de la voirie et des espaces publics au CEREMA, a fait état des résultats provisoires de l’expérimentation de la ville de Paris concernant les « tapis traversants » ou « zones tactiles traversantes ». Ces dispositifs ont pour objectif de permettre aux personnes aveugles et malvoyantes de localiser les passages piétons et s’orienter tout au long de la traversée, en particulier sur les carrefours complexes. Il s’agit d’une demande forte des usagers, transcrite dans la réglementation dès janvier 2007, mais pour laquelle aucune solution satisfaisante n’avait encore été trouvée. L’expérimentation de la ville de Paris a permis de sélectionner trois produits qui semblent donner satisfaction. Ceux-ci respectent aussi bien l’objectif de guidage que les contraintes environnementales et contraintes d’usage. Il s’agit de bandes de résine méthacrylate de 60 centimètres de largeur, avec des motifs en relief, alternant noir et blanc comme le marquage routier. Le dispositif finalement retenu devrait être déployé sur les carrefours complexes de la ville de Paris et faire l’objet d’une future normalisation.
Les promesses du Li-Fi
Le guidage des personnes déficientes visuelles pourrait aussi devenir l’une des applications de la technologie Li-Fi. C’est Grégoire de Lasteyrie, maire de Palaiseau, qui est venu parler de l’expérimentation actuellement menée dans sa ville, accompagné de Benjamin Azoulay de la société Oledcomm. Le Li-Fi est une technologie de communication sans fil basée sur l’utilisation de la lumière, et plus particulièrement des LED. Ses avantages : elle permet un très haut débit de transmission et une géolocalisation bien plus précise que le GPS. Comme tous les éclairages publics sont désormais équipés de LED pour des raisons d’économie d’énergie, le Li-Fi laisse imaginer d’innombrables applications.
La première phase de l’expérimentation s’est concentrée sur les aspects techniques de l’équipement. Pour le moment, la technologie ne permet la transmission d’informations que dans un sens. La collecte de données auprès de l’utilisateur n’est donc pas possible. Pour la deuxième phase de l’expérimentation, un test sera réalisé concernant la transmission des informations voyageurs aux arrêts de bus. La municipalité a pour cela équipé un panel d’habitants de récepteurs Li-Fi.
La RATP expérimente aussi cette technologie dans la station de métro La Défense. Pour ce réseau déjà entièrement équipé en éclairages par LED, le Li-Fi pourrait permettre de transmettre en temps réel les informations sur les perturbations et les itinéraires alternatifs. Grâce à une précision de localisation de moins d’un mètre, ce devrait aussi être un merveilleux outil pour le guidage des personnes aveugles et malvoyantes : localisation des escaliers mécaniques, des guichets, des automates de vente, etc.
Si vous souhaitez en savoir plus, les actes du colloque ainsi que les présentations des différents intervenants sont disponibles sur le site de la DMA.
Mis en ligne le 27 octobre 2017