Quels enjeux pour l’accessibilité numérique ? Interview de Sébastien Delorme – Société ATALAN (2ème partie)
Dans la 1ère partie de l’interview, Sébastien Delorme, associé et responsable accessibilité chez ATALAN a partagé avec nous sa définition de l’accessibilité numérique et la réglementation l’encadrant. Pour aller plus loin, voici quelques conseils pour remédier à l’inaccessibilité numérique des documents ou des sites web.
Existe-t-il des labels qui certifient l’accessibilité d’un site ?
Il y a en réalité assez peu de labels. Par contre, les entreprises engagées sur le sujet font en sorte de valoriser leur démarche par des actions de communication ou le partage de bonnes pratiques.
On peut citer par exemple Microsoft qui a mis en ligne toute une bibliothèque de code informatique pour l’accessibilité. La BBC avait aussi été précurseur avec un référentiel interne et la création d’un lecteur vidéo adapté. En France, Orange partage beaucoup d’informations et bonnes pratiques utilisables par tous les développeurs.
Nous avons récemment participé à la création d’un label par la Fédération des Aveugles de France. Le constat est simple : la plupart des documents PDF ne sont pas accessibles aux utilisateurs de lecteurs d’écran. Conséquence de quoi certains ne cherchent même plus à les ouvrir. Le label de la FAF a pour objectif de valider et valoriser l’accessibilité de ces documents et doit progressivement être étendu à d’autres formats. Ce type de labels a un double impact : sensibiliser les concepteurs de supports numériques mais aussi encourager les utilisateurs à exiger des documents accessibles, condition sine qua non à leur participation sociale.
Côté communication, certaines entreprises n’hésitent pas à organiser des conférences et événements internes pour faire connaitre leur démarche aux utilisateurs concernés.
Dans le cadre des concertations organisées pour l’accessibilité des bâtiments ou de l’espace public, il arrive souvent que les usagers participants soient confrontés à l’inaccessibilité des documents transmis (PDF, PPT…). Quels conseils donneriez-vous aux chargés de mission handicap pour remédier à cette situation ?
Ma première recommandation, c’est la formation ! A minima, tous les agents en charge de la mise en œuvre de la politique d’accessibilité et du handicap devraient se former à l’accessibilité numérique pour pouvoir ensuite essaimer auprès de leurs collègues. Rendre accessible un e-mail, un document Word ou PDF ne demande pas d’y consacrer plus de temps. Il suffit simplement d’appliquer des bonnes pratiques. Et en général, c’est beaucoup de temps de gagné pour la suite, en particulier lors de leur mise à jour.
Pour donner quelques conseils simples, je dirais qu’il faut essentiellement veiller à la structuration du document en appliquant des formats de titres qui faciliteront énormément la navigation pour les utilisateurs de lecteurs d’écran. Mais le concepteur du document s’y retrouvera aussi quand il voudra créer un sommaire ou modifier le contenu.
Deuxième chose : ajouter un texte de remplacement sur les images qui véhiculent une information est indispensable pour les aveugles mais ça permet en plus d’améliorer son référencement sur le web.
Enfin, l’utilisation de couleurs contrastées rend évidemment service à tout le monde. Il suffit de consulter son smartphone en plein soleil pour s’en apercevoir. On évitera donc le jaune ou bleu ciel sur blanc par exemple. Et pour les graphiques ou les camemberts, il faut bien penser à ne pas mettre n’importe quelles couleurs l’une à côté de l’autre. Il est utile de rappeler ici que près d’un homme sur dix est daltonien et ne perçoit donc pas la différence entre certaines nuances. C’est une question de bonnes pratiques ! Il est important de se former et de les relayer auprès des autres professionnels pour qu’elles figurent de plus en plus dans les cahiers des charges.
Pour conclure, quels sont d’après vous les enjeux de l’accessibilité numérique pour les années à venir ?
Il y a essentiellement deux enjeux : l’harmonisation des pratiques et la formation. En premier lieu, c’est l’homogénéisation des systèmes et des pratiques. Depuis nos débuts dans l’accessibilité numérique, notre métier a beaucoup changé. Il existe aujourd’hui de très nombreuses manières d’obtenir la même chose en termes d’aspect visuel ou de fonctionnalités. Mais toutes ne présentent pas le même niveau d’accessibilité. La variété des terminaux, des navigateurs web, des technologies de compensation utilisées influe énormément sur le résultat.
Le deuxième enjeu, c’est la formation à l’accessibilité des étudiants qui vont développer et concevoir les services à l’avenir. Encore beaucoup trop n’ont jamais entendu parler d’accessibilité. Heureusement, certaines écoles commencent à intégrer le sujet, nous ne pouvons que les y encourager !
Mis en ligne le 16 août 2017