L’histoire des feux sonores : un siècle d’évolution

L’histoire des feux sonores : un siècle d’évolution

Les feux sonores en 100 ans

Permettre aux personnes aveugles de traverser la rue en sécurité, la question s’est posée très rapidement après l’implantation des premiers feux tricolores. Mais on a longtemps cru qu’il suffisait de traduire la couleur du feu piéton par un son caractéristique pour que celles-ci puissent localiser la traversée, décider à quel moment s’engager et se rendre sans risque de l’autre côté de la rue. Les technologies actuelles et notre connaissance des besoins et des usages des personnes aveugles et malvoyantes permettent aujourd’hui de proposer des systèmes bien plus perfectionnés. Retour sur près de 100 ans d’histoire de feux sonores !

Les premiers feux sonores… pour tous les usagers de la route !

Saviez-vous que les premiers feux de signalisation étaient sonores ? Mais ce n’était pas pour les personnes aveugles ! Au début du 20e siècle, on ne parle pas beaucoup de ville inclusive ou d’accessibilité. Pourtant, le premier feu fonctionnant à l’électricité installé à Cleveland (Etats-Unis) en 1914 émet un signal sonore. De même que la plupart des feux de signalisation installés dans les années 1920 en Europe. La raison est simple : le signal sonore a alors pour vocation d’alerter les usagers de la route, encore peu habitués à la signalisation lumineuse, sur le changement de couleur du feu. Une sonnerie retentit à chaque passage du rouge au vert et inversement.

1920 : Les premiers feux sonores pour aveugles aux Etats-Unis

En parallèle, c’est au début des années 1920 qu’on retrouve les premières installations de feux sonores conçus pour les personnes ayant un handicap visuel. Ces systèmes émettent en général un son de cloche ou une sonnerie tout au long de la phase verte. On les trouve à proximité des écoles pour aveugles mais ils ne font l’objet d’aucune réglementation.

1960 : Les feux commencent à se faire entendre partout

Si les premiers feux sonores dédiés aux personnes déficientes visuelles semblent apparaitre dans les années 1920 de manière extrêmement sporadique, il faut attendre 1960 pour les retrouver plus largement. C’est à cette époque qu’apparaît au Japon le système de feu sonore encore le plus commun dans le Monde aujourd’hui. Il se répand ensuite massivement aux Etats-Unis au milieu des années 1970. Il s’inspire des chants d’oiseaux. Un haut-parleur fixé sur le mât du feu émet le son du coucou sur les axes de circulation Nord-Sud et un gazouillement sur les axes de circulation Est-Ouest.
En parallèle, d’autres systèmes se développent en Europe et en Australie.
Les limites des feux sonores émettant un chant d’oiseau pendant la période de traversée sont rapidement dénoncées par les représentants des associations de personnes aveugles. Premièrement, l’information transmise par le haut-parleur est très limitée. La distinction entre le chant du coucou et le gazouillement du moineau n’est pas suffisante pour indiquer les traversées sans ambiguïté. Ceci implique que les piétons déficients visuels connaissent en permanence leur sens de déplacement. D’autre part, ce système ne permet pas de localiser le début de la traversée lorsque le feu piéton est rouge puisque celui-ci reste alors silencieux. Si la traversée piétonne est conditionnée par l’appui sur un bouton d’appel, rien n’indique sa présence. Enfin, les riverains se plaignent souvent du bruit de ces systèmes permanents.

1990 : On commence à vouloir faire taire les feux !

Jusque dans les années 1990, les systèmes de feux sonores sont des systèmes à fonctionnement permanent, parfois interrompus pendant la nuit. La pollution sonore causée par ces dispositifs devient alors un enjeu environnemental. Plusieurs systèmes de répétiteurs sonores activables par un bouton poussoir fixé sur le mât du feu voient le jour en Europe et en Australie avant de s’exporter aux Etats-Unis. D’autres systèmes se développent, qui font appel au sens du toucher : boitiers vibrants en Suisse, cônes tournants en Angleterre… Mais tous ces dispositifs posent un problème indéniable aux usagers aveugles ou malvoyants : ils ne permettent pas de localiser la traversée à distance et nécessitent la recherche du mât, qui ne se trouve pas toujours à proximité directe du passage piéton, pour obtenir l’information sur la couleur du feu. La manipulation d’un bouton poussoir, boitier vibrant ou cône tournant dans l’espace public pose aussi des problèmes d’hygiène. Pour faciliter leur détection sans pour autant saturer l’environnement sonore, certains boutons poussoirs émettent un bip régulier, dit « bip de localisation » qui ne s’entend qu’à faible distance.

En France, un démarrage tardif mais une technologie innovante !

A cette époque, la France ne compte encore que quelques feux sonores installés à titre expérimental. A Toulouse par exemple, une sonnerie retentit pendant la phase verte du feu piéton sur certains carrefours très fréquentés. En 1993, EO GUIDAGE innove en inventant un feu sonore commandé à distance par une télécommande. Ainsi, les usagers aveugles ou malvoyants n’ont pas à chercher le feu pour le déclencher. C’est lui qui se manifeste en annonçant sa couleur et le nom de la rue sur laquelle il est implanté. Les feux sonores radiocommandés s’imposent peu à peu face à d’autres systèmes vibrants. La distribution des télécommandes s’organise dans les villes équipées. Il existe alors plusieurs télécommandes utilisant des fréquences radio différentes selon les fabricants. Pendant de nombreuses années, l’usage de la télécommande cohabite avec celui des boutons poussoirs. Mais ceux-ci sont peu à peu abandonnés, car souvent utilisés à tort, ils entrainent des nuisances sonores pour les riverains. Seule Paris les a conservés en raison de la forte proportion de visiteurs étrangers.
En 2002, les répétiteurs de feux sonores sont normalisés par l’AFNOR. La norme fixe les caractéristiques techniques des modules sonores, la fréquence radio utilisée pour leur déclenchement et le contenu des messages qu’ils diffusent. Sur la phase rouge, un feu sonore doit obligatoirement annoncer « Rouge piéton » suivi du nom de la rue, de manière à limiter le risque de confusion entre deux traversées pour les personnes déficientes visuelles. Sur la phase verte, un son de cloche est diffusé en continu. La réglementation française impose l’installation de répétiteurs sonores pour tout nouveau feu, mais aussi à chaque fois que des travaux sont réalisés sur un carrefour. Plus de 200 000 feux piétons sont aujourd’hui équipés de répétiteurs sonores répondant à la norme NF S32‑002.

Et aujourd’hui, quel avenir pour les feux sonores ?

De nombreux systèmes existent à travers le Monde pour permettre aux personnes aveugles ou malvoyantes de connaitre la période pendant laquelle elles peuvent traverser la rue : coucou, cui-cui, bipbip, tactac, et même mélodies traditionnelles au Japon. D’autre part, les normes diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre. Cependant, les besoins sont universels ! Performance acoustique, facilité d’utilisation, information personnalisée, limitation des nuisances sonores, facilité de maintenance, réduction des coûts…, autant d’enjeux pour lesquels les technologies actuelles ont beaucoup à apporter ! En 2019, il est désormais possible de paramétrer un feu sonore à distance, mais aussi de le déclencher avec son smartphone, un outil dont on sous-estime encore le potentiel !

Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !